RÉVEILLON
Par: (pas credité)
Ce soir, on réveillonne : c'est demain Noël. Inutile de s'appesantir , tout le monde sait de quoi il s'agit, et n'en profitez pas pour donner une paire de claques à la cousine Armande, même si elle l'a méritée ; ce n'est qu'au XVIIIème siècle que "réveillon" signifiait "gifle" ; on s'est civilisé depuis, (enfin, on aime à le croire), et ce sens a totalement disparu.
Le "réveillon", c'est donc la fête qu'on célèbre dans la nuit du 24 au 25 décembre, et celle qui fait passer du 31 décembre au 1er janvier. On précise d'ailleurs souvent : réveillon de Noël et réveillon du 31, ou du premier de l'An, ou de la Saint-Sylvestre. Pourtant, ce dernier usage est assez récent : jusqu'au début du XXe siècle, "réveillon" était réservé à la nuit de Noël. Et d'ailleurs, ça ne désignait pas l'ensemble de la soirée, comme aujourd'hui, mais tout spécialement le repas, qu'on prenait avant ou après la Messe de minuit. Encore auparavant, "réveillon" était un simple équivalent du souper, c'est-à-dire un repas pris très tard dans la soirée.
Mais, puisqu'on parle des temps anciens, profitons-en pour faire revivre, quelques instants, les traces d'un vocabulaire lié à Noël et sorti d'usage depuis longtemps. On avait, par exemple, avec la tradition de la table ouverte pour les voyageurs et les pauvres, le "cariquié", tronc d'olivier séché, conservé pour l'occasion, et qui brûlait toute la nuit (dans le Midi). On avait aussi les "nieules", de petits gâteaux donnés en cadeaux, et de nombreuses autres traditions locales, comme les treize desserts (toujours dans le Midi).
Revenons à notre "réveillon", qui a donné le verbe "réveillonner" = fêter le réveillon. Son origine est très facilement décelable : il s'agit de "rester réveillé", d'autant que la fête se poursuit souvent jusqu'au lendemain matin. Il y a donc une parenté entre "réveillonner" et "veiller", bien que les sens soient différents. Ce dernier verbe, en emploi absolu, signifie qu'on ne dort pas, surtout à des moments où dormir serait congru : tard le soir. Mais, probablement sous l'influence des autres emplois du verbe "veiller" (être attentif, etc.), il s'emploie de préférence pour une veille plus tranquille que débridée : "J'ai veillé hier jusqu'à trois heures, parce que je n'arrivais pas à lâcher Sherlock Holmes". Moins congrument dirait-on (notez comme je soutiens cette famille de la congruité), "j'ai veillé hier jusqu'à trois heures en dansant le déboîté au Zim Boum Boum".
Par contre, le mot de "veillée" a encore une belle santé rurale : passé le dernier meuglement, on entame -surtout l'hiver- la longue veillée autour de l'âtre, avec l'aïeule chevrotante qui raconte les histoires du temps jadis.