EUROPE

Par: (pas credité)


Cette année, il sera beaucoup question de l'Euro ! Bonne occasion pour parler de l'Europe -" Chienne d'Europe qui fut blanche et plus que moi poète " comme disait Saint-John Perse avec tant de pertinence Si on la connaît pour être un continent, la continence n'a pas toujours été son apanage le plus marquant. Et du temps qu'elle était non une réalité géographique, économique, politique, mais une jeune fille mythologique, elle succomba dit-on au charme d'un séducteur patenté - Zeus, qui ne mégotait pas sur les artifices à déployer.
En fait, Europe était une princesse phénicienne, fille d'Agénor et de Téléphaessa. Un jour qu'elle baguenaudait sur la plage, un taureau au brillant pelage s'approcha d'elle d'un air engageant. Peu farouche, la donzelle s'assit sur le dos de la bête qui incontinent (incontinent ! Vous voyez ce que je veux dire : comme une prémonition) s'élança dans la mer et l'emporta en Crète. Et une fois sur l'île, mollement allongés au pied du Mont Dictée, ils commencèrent à avoir la plus charmante des conversations. Le taureau se révéla pour ce qu'il était, Europe itou et de cette sympathie mutuelle naquirent quelques beaux enfants : Minos et Rahdamante qui après de solides études de droit devinrent juge des Enfers. Zeus, appelé à d'autres tâches dut la quitter, mais en amant attentif il lui laissa trois présents qui prouvent bien sa délicatesse : une lance qui ne manquait jamais son but, un chien qui ne laissait jamais échapper sa proie et un garde du corps en bronze qui chaque jour faisait le tour de l'île et tuait les étrangers (les mœurs de l'époque étaient rudes). Comment cette beauté aux amours insulaires donna-t-elle son nom aux terres situées au Nord de l'Afrique et à l'Est de l'Asie ? Nul ne le sait à Parler au Quotidien, mais ces mystères n'en sont que plus doux.
En tout cas, depuis les années cinquante, le mot désigne de plus en plus une réalité politique ou économique qui permettrait, par des alliances supra nationales, de faire jeu égal avec de grandes puissances comme les Etats-Unis ou la Russie (et ça a longtemps été l'URSS). Ainsi ce qu'on appelle l'Europe, c'est tout ce qui s'est développé depuis le traité de Rome en 1960, ce qu'on a successivement nommé l'Europe des six, des neuf, des douze … En conséquence l'adjectif européen a souvent pris un sens nouveau : qui est favorable à la construction de cette Europe. On parle ainsi d'Européen convaincu et on peut même utiliser le préfixe euro en composition : un europhile ou plus couramment, un europhobe. Ces dénominations plaisent autant, sinon plus à ceux qui voient des dangers dans ces rapprochements européens. Et quand on parle des eurocrates, c'est plus ricanant.