BIDON
Par: (pas credité)
Reportages "bidonnés" ! On n'entend plus parler que de ça, tellement les
médias peuvent être malhonnêtes, tellement ils aiment parler et faire
parler d'eux, même en mal. Un reportage "bidonné", c'est un reportage
fabriqué de toutes pièces, mis en scène, avec décors prémédités, acteurs de
métier ou d'occasion, couleur locale ou pittoresque. Le monde de la
télévision fait donc grand usage de cette expression, et de ce qu'elle
recouvre. Oh, je sais ! Ça ne date pas vraiment d'hier : mais l'information
spectacle prend davantage d'importance chaque jour, et les sujets qu'on
"bidonne" sont aussi macabres (Timisoara & Co) que facétieux (le crapaud
hallucinogène). Ce mot de "bidon" a pris ce sens assez récemment, avec son
dérivé verbal "bidonner" qui fait très jargon dans le coup, et il a
rapidement et largement débordé l'argot du métier, justement parce que ce
métier et ses ficelles fascinent. Avant, on parlait de document truqué -
mais pas de truc : le substantif n'avait pas cette coloration de tromperie
volontaire - ou parfois de montage, de document monté - et là, on faisait
référence à des techniques photographiques ou sonores qui permettent de
fabriquer un document avec deux, de mettre la tête de quelqu'un sur le
tronc de quelqu'un d'autre, etc.
Le mot "bidon" a depuis longtemps un destin interlope, mais les sens
familiers ou argotiques qu'il a eus naguère, et qu'il a toujours
d'ailleurs, sont assez différents. Même s'ils permettent de comprendre
l'évolution du mot. Ce qui est "bidon", c'est ce qui n'a pas de valeur, pas
de contenu, juste une apparence (et là comprend la suite). C'est la
frime, la poudre aux yeux : ce type-là, il est "bidon", ce stage , c'est
"bidon". On notera qu'on est passé de l'expression "c'est du bidon" (image
peut-être de la bouteille vide, ou de quelque chose de qui est gonflé
d'air, qui ne contient rien de réel) à des expressions où "bidon" est
employé comme apposition : une annonce "bidon" (et c'est invariable
bien sûr). De là à l'information "bidon", il n'y a qu'un pas, et à l'information
"bidonnée", il y en a un deuxième.
"Bidon" et "bidule" sont-ils frères ? Pas sûr, il semble que les origines
soient différentes. Mais en tout cas les deux mots se ressemblent, et si
c'est "bidule" qui a donné "bidouille", l'inconscient linguistique a évidemment
relié "bidouille" et "bidon". C'est pourtant d'un autre sens qu'il s'agit :
"bidouiller", c'est bricoler avec ingéniosité et bouts de ficelle un objet
technologique pour le réparer ou lui donner des capacités qu'il n'a pas ou
n'a plus. On "bidouille" un vieux moteur, un ordinateur, ou une moulinette à
carottes pour en faire un pommeau d'arrosage.