SOLUTIONNER

Par: (pas credité)


Parité, violences à l'école, autorisation de chasse, etc. autant de
problèmes qui demandent des solutions. Et aussitôt, on entend dire qu'il
est honteux d'utiliser un verbe aussi laid que "solutionner", que c'est une
dérive inacceptable, une insulte à la langue française, une paresse
intellectuelle… "Solutionner" est, en effet, l'exemple typique du mot critiqué
pour ses apparences bureaucratiques ; alors ?
Il apparaît pour la première fois, semble-t-il, en 1795 sous la plume de
Gracchus Baboeuf, et devient plus fréquent à partir de la fin du XIXème siècle.
C'est donc un néologisme qui a deux siècles d'existence et un siècle d'emploi.
On l'entend en général, non dans une langue relâchée, familière mais, au
Contraire, dans un discours qui se veut savant et cherche sa respectabilité.
On dit qu'il doit son succès à la difficulté de conjuguer "résoudre", verbe
irrégulier, assez difficile à conjuguer. Peut-être… mais pourtant les
verbes très irréguliers et les plus difficiles à conjuguer sont les plus
fréquents en français (être, avoir, faire, aller…).

Peut-on plaider en faveur de "solutionner" ? On remarque qu'il ne reprend pas
tous les emplois et sens de "résoudre" : son utilisation est plus restreinte.
"Solutionner" sous-entend qu'on va inventer une solution, un palliatif, une
issue. Il ne s'agit donc pas de découvrir une solution qui existe déjà,
cachée dans le problème. Il s'agit d'une solution pragmatique et concrète,
pas d'un exercice intellectuel : on ne dit jamais "solutionner une équation".
La formation du mot n'a rien de barbare et ses semblables sont nombreux.
Est-elle lourde ? Peut-être un peu, car -tion est déjà un suffixe, auquel
on ajoute un deuxième. Il arrive que les verbes qui correspondent aux noms
en -tion soient plus courts : "soustraction" et "multiplication" donnent
"soustraire" et "multiplier". Mais souvenons-nous qu'"addition" donne "additionner"
et que personne ne s'en plaint. Idem pour "fraction", "friction", "question",
"ovation", etc.

Ceci dit, on a quelques autres exemples de redoublements par un verbe de ce
genre d'un autre qui existe déjà.
"Promotionner" redouble "promouvoir", avec le sens d'assurer la promotion
commerciale d'un produit. Néologisme en cours d'installation dont l'entrée
dans le Robert est toute récente.
Dans le couple "visionner/voir", le premier verbe a le sens encore plus
distinct du deuxième : il s'agit d'une pratique attentive, et souvent
professionnelle : on "visionne" un film pour répondre à un questionnaire,
ou pour en faire une critique.
Et "réceptionner" et "recevoir" ont aussi leurs spécialités : "réceptionner"
c'est montrer qu'on a bien reçu, vérifié, enregistré, etc. "Zidane a
réceptionné le ballon, puis tiré". On ne dira pas que "Zidane a réceptionné
le ballon en pleine figure" : il l'a reçu en pleine figure.