RECENSEMENT

Par: (pas credité)


"Comptez sur nous". C'est avec ce slogan, ma foi, assez bien trouvé que
commence aujourd'hui l'opération de recensement qui doit déterminer "en gros"
combien de personnes et lesquelles vivent en France : on se compte donc.
Mais le mot a un caractère nettement officiel et administratif, bien plus
que son synonyme "dénombrement", qui est un simple comptage. Par exemple, à
partir de 17 ans, on est tenu de se faire recenser par l'armée ; rien de
plus officiel. Mais dans la dernière édition de l'Etat de la Francophonie
dans le monde, on s'est efforcé de dénombrer les francophones. Le mot
"recensement" n'est pas utilisé dans le titre de cet article. Mais,
attention, le "recensement" qui compte ceux qui vivent en France, tente
d'établir une sorte d'instantané démographique qui va également donner
toute une série d'informations sur les individus en question (pyramide des
âges, niveau d'étude, etc.). Est-ce à dire qu'on compte et qu'on raconte la
France? On n'en est pas si loin.

En effet, "recenser" a d'abord voulu dire raconter, exposer (du XIIIème au
XVIIème siècle). Puis "énumérer". Et au XVIème siècle, apparaît le sens
"dénombrer", faire le compte. Cette double acception du mot est symétrique
du couple "conter/compter". Les deux verbes dérivent de "computare" et montrent
bien le cousinage qui existe entre les deux notions (description-récit d'un côté,
énumération-inventaire de l'autre). Le "recensement" est donc bien un
inventaire méthodique. "Recenser", c'est inventorier. Et on peut "recenser"
bien autre chose que des habitants. Le mot a même eu un sens technique et
martial : il s'agissait de faire la liste en fonction des services qu'ils
pouvaient rendre de tous les animaux et véhicules susceptibles d'être
requis par l'autorité militaire.

Et ce mot de "recensement" est de la même racine que "cens", terme peu utilisé
dans le langage courant, mais qui a davantage une signification historique.
Le verbe latin "censere" signifiait évaluer le rôle et la fortune de chacun.
Et "census", c'était d'abord l'estimation des biens des citoyens, puis
l'impôt calculé d'après cette estimation. Et au Moyen-Age, le "cens" était la
redevance qu'on payait sur une terre. Ce qui permet de comprendre le sens
de l'adjectif "censitaire". Sous la Restauration, en 1830, le "cens" était le
niveau d'imposition nécessaire pour être électeur et éligible. On était
donc dans un système de "suffrage censitaire" qui excluait de la
représentation nationale tous ceux qui n'avaient pas de revenus ou de
fortune suffisants.