INJURE ET INSULTE

Par: (pas credité)


Dominique Voynet gravement insultée, gravement injuriée, gravement outragée
au Salon de l'Agriculture. Il faut bien dire que l'affaire a été assez
ignoble, et que les propos tenus ne sont pas à l'honneur de l'agriculture
française : tout au-dessous de la ceinture, comme si le désaccord politique
ne pouvait s'exprimer que par l'offense.

Mais y a t-il une grande différence entre tous ces termes ?
"Insulte" et "injure" sont aujourd'hui pratiquement synonymes. "Insulte" est
plus courant. "Salaud", "crétin" (je m'éloigne volontairement de l'affaire
citée en référence) sont des "insultes". Il s'agit de traiter quelqu'un de
ce qu'il n'est pas ; non pas de condamner, de réprouver ses actions, sa
conduite, mais de le réduire par ce jugement ou cette comparaison
méprisante. Et pour être bien méprisantes, "injures" et "insultes" visent le
plus souvent la sexualité de la victime (ou son origine, c'est-à-dire le
plus souvent la sexualité de ses parents : "salope", "sans-couilles", "fils de
pute"…).

"Insulte" et "injure" n'ont pourtant pas la même origine :
"Insulter" (en latin "insultare"), c'est d'abord sauter sur, on est proche de
l'assaut. Puis braver, outrager. La construction a changé : "insulter contre"
ne se dit plus du tout. "Insulter à" se dit rarement, et s'écrit dans un
contexte très littéraire.

L'"injure" a une origine différente : elle vient d'"injuria", la violation du
droit, et le dommage qu'il cause. Au départ, le mot signifie injustice.
Vers le XIIème siècle, il prend le sens d'outrage.
Si de nos jours, les deux mots sont très proches, c'est qu'ils se
ressemblent. Les différences sont bien subjectives, mis dans l'usage,
l'"insulte" est plus ponctuelle : c'est le mot lui-même, utilisé comme une
arme. Alors que l'"injure" fait peut-être plus référence à l'intention de
déshonorer : "Je n'ai pas voulu vous faire injure".

Attention, ne confondons pas "injure" et "juron". Ce dernier mot est de la même
famille, bien sûr, mais il dérive du verbe "jurare" qui donne "jurer". Le verbe
signifie d'abord prêter serment, puis promettre, être certain (le sens
s'étant laïcisé et affaibli). Mais d'un autre côté, il a pris le sens
d'invoquer de manière sacrilège, de blasphémer. Et c'est là qu'on comprend
le sens du mot "juron" qui a voulu dire serment mais qui, aujourd'hui, ne
signifie plus que blasphème, mot qui exprime la colère, la surprise,
l'indignation qui donne corps à un sentiment qui, pour s'exprimer, veut
dynamiter la logique du langage ordinaire et des convenances ordinaires.
C'est un cri qui veut en même temps choquer les principes, ce qu'on ne doit
pas remettre en cause ; et là encore, on retombe dans le sexuel ou la
négation de Dieu : "Jarnidieu ! Jarnicoton !".