BLED

Par: (pas credité)


"Djurassic bled", titre humoristique d'une sortie qui, au TNP de Villeurbanne, change le contexte géographique des ambitions hollywoodiennes. Calembour, bien sûr avec Jurassic park, mais c'est le mot "bled" qui nous intéresse.

Le nom a émigré depuis longtemps de l'arabe algérien, mais sa caractéristique est d'avoir fait une sorte d'aller retour avec les référents d'Afrique du Nord : d'abord très lié à ses origines, il s'en est ensuite presque totalement éloigné pour y revenir en ce moment, et marquer le vocabulaire des jeunes beurs.

Au départ donc, le mot vient de l'arabe "blad", qui signifie contrée, pays. Déformé en "bled", il intègre l'argot militaire, puis le jargon colonial, pour désigner tout ce qui, dans le pays colonisé (en l'occurrence l'Algérie), n'est pas une grande ville. C'est donc autant la rase campagne que les villages (cf. ailleurs en Afrique, l'utilisation du mot "brousse", qui n'est pas totalement sans rapport).

Mais le mot passe en français pendant la guerre de 1914, avec le sens très francisé du petit village. Le "bled" se détache assez bien de ses origines et évoque volontiers un hameau bien français mais qui a gardé de son étymologie le mépris du colonisateur. Le mot devient donc assez péjoratif pour désigner une très petite localité, à l'écart, privée des commodités des grandes agglomérations : "C'est un bled", c'est-à-dire il n'y a rien à y faire, ni commerces rares ni lieux culturels, etc.

Le mot a été récemment remotivé du fait du développement d'un argot jeune parfois marqué au coin du "petit beurre". Le "bled" renoue avec ses origines algériennes, et on entend même une expression plaisante et bizarre : "bledman", qui désigne soit un immigré de fraîche date, soit quelqu'un qui est resté fortement attaché aux traditions algériennes et ne souhaite pas spécialement toutes les abandonner au profit de la vie "moderne".

Des synonymes ? Pas tant que ça ! A part l'image encore plus péjorative du "trou", du "trou paumé". Alors, c'est vrai, on a le "patelin", beaucoup plus neutre, dérive à partir de "pâtis" : petit pâturage médiocre, terre inculte où l'on met les bêtes à paître pour reposer les pâturages plus gras.

Quant à "hameau", le mot vient du "ham" francique, lui-même apparenté au mot "home". Ça renvoie à une image de maisons à l'écart d'un village, rassemblées en petites grappes. Attention, en France, un "hameau" n'est pas une commune. Et le mot est neutre, sans aucun écho péjoratif.

S'il reste du temps, on peut évoquer tous les noms péjoratifs qui s'attachent aux habitants des "trous" qui ne sont pas troués. Mais plutôt des "bouseux", des "cul-terreux", des "ploucs".