VERMEIL COMME LE TROISIEME AGE

Par: (pas credité)


Le thème de la journée mondiale de la santé est cette année "Vieillir en restant actif",
idée bien contemporaine pour des raisons sociologiques et idéologiques : ces dernières
décennies, les progrès de la médecine et de l'hygiène de vie font qu'on "reste jeune"
plus longtemps ; le système de retraite s'est généralisé ; enfin le langage (sinon la
société) a scrupule à exclure les vieux.

Depuis pas mal de temps déjà, on remplace "vieux" par "âgé" : ça fait moins mal, et les
personnes âgées se substituent donc aux vieux. Notons en passant que cette tournure a
plutôt un sens sociologique ou démographique : c'est une classe de la population.

Le troisième âge a donc fleuri. C'est une expression qui naît en 1966, et qui reprend
une découpe de la vie humaine très œdipienne, à cette différence que le troisième âge
n'est plus à trois pattes comme dans l'énigme du sphinx : ingambe, il veut gambader,
bien que guette la goutte ("goutteux" aujourd'hui, "gâteux" demain ). Autant, voire
plus que personnes âgées, "troisième âge" appartient à un vocabulaire officiel,
administratif ou surveillé. Ce qui ne l'empêche pas d'être souple, utilisée par
exemple comme apposition : "résidences 3ème âge". Le troisième âge a sa panoplie,
dont le fleuron est bien sûr la "carte vermeil" (réductions SNCF et autres pour les plus
de 60 ans). L'adjectif ne s'accorde pas dans cet emploi, et s'explique dans la lignée des
noces de vermeil (au-delà de l'or, elles ne peuvent être fêtées que par des couples qui
ont déjà pas mal d'"heures de vol") et la médaille de vermeil des vieux travailleurs,
rappelons que le vermeil est, au-delà de la couleur, le nom de l'argent doré.
Et cette acception de l'adjectif vermeil déborde parfois la carte : tarif vermeil, formule
vermeil, etc.

Aux deux bornes du troisième âge, on trouve encore des euphémismes. Le slogan de
notre époque étant place aux jeunes, on a tendance à pousser dans la tombe les actifs
qui approchent l'âge de la retraite. Pour éviter de les traiter de "vieux jetons", on
emploie de plus en plus le mot "senior", qui fait semblant de reconnaître leur
expérience.

Et au-delà du troisième âge, on a bien sûr le quatrième, qui évoque une idée de
dépendance.
Avec, encore en usage, quelques vieilles images :
- Un âge canonique ( au sens propre = plus de quarante ans, âge minimum des bonnes
de curé, conformément à la règle canonique ).
- Vieux comme Mathusalem ( prophète mort à 969 ans ).
- Vieux comme Hérode (sans qu'on sache ni lequel, car plusieurs personnages
bibliques portent ce nom, ni pourquoi…).