UN JOUR AUX COURSES

Par: (pas credité)


C'est à Vincennes que se court (le 6 mai) le Grand Prix de l'Amitié France Afrique. Il s'agit de chevaux et on sait bien que le vocabulaire hippique a fourni un large réservoir de métaphores à la langue courante.

Le "tiercé", par exemple : on utilise cette image si l'on anticipe sur les résultats d'une élection, du Prix Goncourt ou des Cesar. En fait, on peut l'utiliser chaque fois qu'on hasarde un pronostic et notamment si l'on pense que le résultat se jouera entre trois candidats favoris. "Tiercé" est pourtant un vieux mot français (XIIIème siècle), mais il s'est spécialisé dans le vocabulaire des courses de chevaux, en particulier grâce au "PMU". Ce pari "tiercé" a été si populaire dans les années 60 que même s'il est concurrencé aujourd'hui par d'autres formes de paris, c'est le seul qui ait débordé du monde hippique.

"Tiercé" et "PMU" sont des images caricaturales de la France ; et pourtant, force nous est de reconnaître qu'en cette matière, les expressions les plus courantes sont empruntées à l'anglais.

Rien d'étonnant : les courses de chevaux ont commencé à devenir un divertissement élégant en Angleterre. C'est donc souvent d'Albion, plus dandy que perfide, que nous sont arrivés un certain nombre de mots dont le succès fut tel qu'ils passèrent dans la langue courante.

L'éclat de certains a pâli avec le temps, et on ne parle plus guère de "steeple-chase" de la vie ; un cliché qui eut son heure de gloire, et qui représentait l'existence humaine abrupte et imprévue.
Au départ, un "steeple-chase" est une "course au clocher", un épisode récréatif et champêtre durant une chasse aristocratique.

C'est devenu une épreuve hippique officielle, arrivée en France en 1834 (course d'obstacles de 3 000 mètres) qui se courait bien sûr entre "gentlemen riders" (cf. "gentlemen farmers").

Mais aujourd'hui, pour ceux qui montent, on ne parle plus que des "jockeys". Le mot évoque une certaine distinction : il a gravi l'échelle sociale avec les siècles. Au départ, le mot vient de Jack, un sobriquet qui renvoie à l'homme du peuple (cf. Jacques en français), puis au palefrenier, au maquignon, et à celui qui monte à cheval. Mais c'est déjà en anglais que s'opère sa réhabilitation, puisque le "jockey club", par exemple, naît en Angleterre en 1750, et en France en 1833. En français, aujourd'hui, le "jockey" est un cavalier qui fait des courses. Et le mot est souvent associé à la petitesse et à la légèreté ("jockey" : fromage blanc maigre). Quant à l'"outsider", c'est le concurrent qui arrive d'ailleurs, celui qui est à l'arrivée parmi les premiers alors qu'il ne figurait pas parmi les favoris.

Terminons avec le monde du "turf", celui des courses. "Turf" signifie au départ tourbe, gazon, pelouse et, de fil en aiguille, terrain où se courent les courses. Ça passe en français, et même en argot avec quelques sens un peu anciens : "turf" = travail, au sens de prostitution, puis travail en général.