DE MEDOR A MIRZA
Par: (pas credité)
"Avez-vous vu wouah wouah ?" C'est une pièce de Topor actuellement à l'affiche. Ne notons pas, c'est inutile, l'anglicisation de l'orthographe (pourquoi pas "ouah ouah") ? Mais retenons que nous sommes en face de l'onomatopée canonique qui, en français, donne sa forme à l'aboiement du chien. Car le chien a ses canons en français, qui ne sont pas ceux qu'il a dans les autres langues.
Ainsi de ces noms… Il est rare de nommer son chien comme se nomment sa nièce ou son cousin : peu de chiens aujourd'hui s'appellent Jean-Marc ou Sandrine. Depuis longtemps, les noms romains jouissent d'une certaine cote : Rex, Cesar voire Titus ou Diane sont assez bien portés.
Mais le plus grand malheur dans cette histoire est que les noms les plus consacrés ne sont plus vraiment en usage : le nom, par excellence, du chien est Médor. Je ne crois pas connaître un seul chien actuellement en exercice qui s'appelle Médor : ça fait vieux. Et des Mirza et des Azor, en connaissez-vous ?
Ces noms pourtant ont eu leur heure de gloire et leur histoire, même si leur histoire est exotique ; l'éloignement permettant précisément qu'ils devinssent noms de chiens.
Prenez Médor. Il est dans le Roland furieux de l'Arioste un jeune et pauvre soldat sarrasin, paré de toutes les grâces, et que son courage jette au milieu de la mêlée lorsque Dardinel, est tué par Renaud. Médor tente alors de sauver le corps de son prince mort des outrages auxquels l'expose la hargne des fins de bataille. Blessé, il est recueilli, puis soigné en cachette dans une grotte par la belle Angélique. Angélique, jusque là chaste et coquette, ayant repoussé les hommages de tous les nobles qui briguaient ses faveurs, s'éprend du beau Médor. Et Roland, fou d'amour pour Angélique, découvrira, gravés sur les arbres du vallon où ils se sont aimés, les serments des amants heureux ; et c'est ainsi qu'il perd la raison : la faute à Médor.
Mirza, nom que toutes les chiennes ambitionnent de porter est bizarrement, au départ, un nom d'homme, et même un nom persan. Pas seulement un nom mais un titre qui signifie prince ou seigneur. Le "a" final l'a féminisé aux oreilles françaises, mais on retrouve encore ici un goût d'exotisme qui fait donner par plaisanterie aux animaux les plus proches le nom des humains les plus lointains.
Terminons avec Azor que, même le Grand Larousse reconnaît pour être un nom de chien, bien qu'hérité de l'hébreu.