C'EST DE MA FAUTE

Par: (pas credité)


"C'est pas ma faute"… Titre d'un film qui honore en ce moment les écrans français… Mais est-ce une faute de dire "c'est pas ma faute" ? Oui, disons-le franchement ; c'est une syntaxe relâchée et familière qu'on rencontre à l'oral bien plus qu'à l'écrit. Il faudrait dire pour être correct : "ce n'est pas de ma faute". L'usage de la préposition est obligatoire. Le plus curieux de l'affaire est que la norme correcte s'est inversée avec le temps. En français classique, en effet, la préposition non seulement n'est pas obligatoire mais elle était considérée comme fautive - du bas langage comme on disait - mais cette manière de parler a fini par se généraliser plus ou moins, et l'emporter : la règle a changé.

Peut-on dire qu'il reste une trace dans une sorte de français d'église, traduit du latin d'église ? Il s'agit de la prière mea culpa, mea culpa, mea maxima culpa, traditionnellement traduite par "c'est ma faute, c'est ma faute, c'est ma très grande faute"… Il s'agit plus d'une traduction spécifique que d'un souvenir de l'ancienne syntaxe, dans la mesure où le sens est un peu différent : il ne s'agit pas de désigner une responsabilité, sens de l'expression actuelle c'est de ma faute - "ce sera de ta faute si on rate le train" = "ce sera à cause de toi" - mais plutôt de montrer la faute elle-même, voici ma faute, en quelque sorte, pour la reconnaître (et l'expier ? Dieu ! expie-t-on jamais une faute originelle…). D'ailleurs le latin, sans verbe, est mille fois plus elliptique et expressif. A tel point d'ailleurs que cette expression latine est passée en français avec un sens affaibli et spécifique : faire son mea culpa, c'est reconnaître qu'on a eu tort, regretter publiquement qu'une action ou une attitude n'était pas fondée.

Si nous revenons à l'expression actuelle courante, on remarque qu'elle est en concurrence avec une autre forme considérée comme incorrecte : celle qui sait utilise la préposition à au lieu de la préposition "de" : "c'est la faute de ma mère". L'exemple typique de la faute de français.

Rappelons pourtant que c'est un trait du langage populaire fort ancien, et que tout populaire qu'il soit, il a acquis des lettres de noblesse, en particulier grâce à un refrain célèbre, "c'est la faute à Voltaire", "c'est la faute à Rousseau", rendu plus célèbre encore par Victor Hugo qui le fait chanter par Gavroche juste avant sa mort : "Je suis tombé par terre, c'est la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau, c'est la faute à Rousseau".

Cette tournure a donné lieu à quelques expressions toutes faites, familières elles aussi : "c'est la faute à personne, c'est la faute à pas de chance"…

Et étrangement, mise à la forme interrogative, elle ne remplace par aucune autre, et n'a plus réellement de caractère familier ; "à qui la faute" ?