BLINDER

Par: (pas credité)


Le détroit de Gibraltar "blindé" ? C'est en cours, nous dit-on, puisque les autorités espagnoles s'efforcent de contrôler le trafic clandestin qui s'y déroule (immigration, drogues, etc.). Ce canal, a priori permettant un passage est-ouest, Méditerranée-Atlantique, est en fait un point clé de la communication Sud-Nord. D'où l'intérêt de le "blinder", c'est-à-dire d'en faire une porte qu'on ne force pas. Car c'est bien cette image qui est à l'œuvre, celle de la porte "blindée", dont les serruriers dans leurs publicités nous ont rebattu les oreilles, avec leurs cinq points, leurs cornières et leur prétendue inviolabilité. On dit parfois aussi "cadenassé", mais plus souvent "verrouillé". La métaphore fait appel à un système presque archaïque, apparemment pas très solide, le verrou. Mais on parle bien de "verrouiller les frontières", ou même de "verrouiller un service" quand on envisage d'en resserrer la discipline et surtout d'empêcher les fuites : nul n'a à savoir ce qui se passe ici - surtout pas la presse (ça s'est entendu à propos de police, de justice ou d'armée notamment).

Revenons à notre "blindage" : comment est-il arrivé là ?
Le mot apparaît en français au XVIIème siècle et dans l'art militaire. Nous l'avons emprunté à l'allemand qui l'utilisait aussi dans un vocabulaire stratégique. Il renvoyait, semble-t-il, à un ouvrage destiné à masquer ou dissimuler des fortifications. Ça relève un peu du trompe-l'œil, du camouflage et ça a signifié parfois fausse porte ou fausse fenêtre. L'étymologie est à chercher du côté du mot qui comme le "blind" anglais signifie "aveugle". Et en français, les "blindes" ont d'abord été des armatures de bois consolidant des tranchées, et on a ainsi parlé d'un "ouvrage de blindes".
Puis "blinder" a voulu dire couvrir un ouvrage de blindes, et par extension le renforcer pour amortir le choc des projectiles. "Blinder", c'est donc désormais "cuirasser", pour un navire, puis un véhicule. On parle encore de "voiture blindée", c'est-à-dire à l'épreuve des balles. Mais les "blindés", dans les armées modernes désignent les unités motorisées et cuirassées, les chars et leur cohorte, susceptibles d'avancées rapides.
Le glissement du mot vers un sens figuré au pronominal est facile à comprendre : "se blinder", c'est se constituer une carapace, se tanner le cuir, en un mot s'endurcir, à la faveur des coups, cicatrices, de l'expérience. C'est être moins vulnérable et moins facile à déstabiliser.
"Etre blindé", familier et argotique, c'est être complètement ivre, matelassé probablement par une armure de liqueur.
Quant à "blinder au volant", par un glissement hyperbolique un peu étrange, c'est conduire très vite.