RECOMPOSITION

Par: (pas credité)


Quelques jours après les scrutin des élections européennes, l'un des mots qui revient le plus souvent, à propos du paysage politique français en tout cas, est "recomposition". Et, en effet, les grandes tendances, les grandes alliances sont en train de changer de physionomie. Notez qu'on ne parle pas de restructuration, ce dernier mot étant réservé à un usage bien plus volontariste : on restructure une entreprise par exemple si l'on modifie son organisation - c'est d'ailleurs la plupart du temps un euphémisme qui indique qu'on a dégraissé, licencié (cf. redéploiement). Le mot "recomposition" indique davantage qu'on se retrouve devant le fait accompli : l'état des choses a changé.
Pour l'heure, on parle de "recomposition" de la gauche - si l'on veut être plus modéré, on parlera de rééquilibrage : les Verts se sont affermis, le PC s'est affaibli.
On parle aussi parfois de "recomposition" de la droite : déroute du RPR, formation d'un nouveau parti à l'initiative de Charles Pasqua. Si l'on est plus sévère, on parle de décomposition de la droite, et en tout cas, on parle de "décomposition" de l'extrême-droite.

On voit bien la différence entre les deux mots : "décomposition" indique l'idée d'un pourrissement, le tout se désagrège et les parties partent à vau l'eau. "Recomposition", au contraire, insiste sur une continuité du tout au prix d'un équilibre nouveau entre les éléments. Tout ça, en fait c'est l'image du kaléidoscope : on prend les mêmes et on recommence. Mais la belle image qu'on voit n'est pas la même.

Le mot est spécialement à la mode depuis quelques années, notamment depuis la sociologie de nouveaux comportements familiaux. Le divorce qui se répand, est de moins en moins considéré comme un échec définitif, mais comme une étape possible de la vie. On prend donc en compte les familles qui se reforment et les "familles recomposées" évoquent des unions secondes (au moins) avec des enfants issus des premières et même des autres. Nouveaux rapports de parenté, nouvelles fraternités.

Si l'on revient à l'exemple politique, la "recomposition" n'est pas la seule image à laquelle nous soyons habitués : on entend souvent parler de "nouvelle donne", avec une comparaison qui évoque le jeu de cartes : la donne qui fait forcément penser à un certain hasard, c'est le jeu que chaque joueur a en main avant qu'on commence à jouer : il s'agit donc des forces en présence.
Cette image de la nouvelle donne, on l'utilise parfois en anglais, sous la forme "new deal", qui en est la traduction exacte. L'expression fait référence à la politique menée par Roosevelt à partir de 1933, après la grande crise économique qui avait frappé le monde occidental. Le "new deal" se caractérisait en particulier par un nouveau visage du libéralisme américain, qui autorisait une certaine intervention de l'Etat dans le domaine économique et social, et tentait de limiter le pouvoir des trusts. Le mot connut une telle fortune qu'on l'employa largement, tel quel, hors des Etats-Unis, et qu'il reste aujourd'hui, sinon courant, du moins compréhensible par beaucoup.