SPIRITUEUX
Par: (pas credité)
Du 14 au 18 juin 1999, s'est tenue à Bordeaux, la manifestation Vinexpo. Le titre est transparent, surtout si on le met en rapport avec la ville, Bordeaux. Il s'agit de vins, mais aussi de spiritueux. Le vin, tout le monde sait ce que c'est. "Spiritueux" est un mot beaucoup moins courant, qui n'appartient pas au langage ordinaire, mais qui est plutôt réservé à la langue commerciale et administrative. En gros, le mot désigne des boissons fortement alcoolisées. Pas du vin donc, ni même ce qu'on appelle du vin doux ou vin cuit, apéritif relativement léger.
L'étonnant est de voir qu'il règne sur cette zone sémantique un certain vague, et peut-être un certain tabou, semblable, toutes proportions gardées, à celui qui nimbe le langage de la sexualité, de la scatologie, de l'illégalité, tous ces domaines qu'on dit sans dire. Alors pourquoi l'alcool ? Parce que ça enivre probablement, et que cette perte de contrôle suscite à la fois la fascination et l'interdit. Mais rappelons-le, tout cela se situe à un bien moindre degré que les autres thématiques qu'on a évoquées.
Alors ces "spiritueux", comment les appelle-t-on dans la langue courante ?
On parle souvent d'"alcool", dans un contexte où tout le monde aura compris qu'il s'agit d'"alcool" qu'on boit. On met donc l'accent sur la caractéristique la plus marquante de la boisson, et on insiste implicitement sur la forte teneur en "alcool".
On a aussi le terme vague "eau-de-vie". Mais il n'est pas générique, et on le réserve d'ordinaire, aujourd'hui à des "alcools" de fruits ou de grains qui n'ont pas une désignation spécifique précise : s'il s'agit de rhum, de whisky ou de pastis, on n'aura pas la tentation de parler d'"eau-de-vie".
Mais le mot "eau" apparaît souvent, et pas seulement en français : "vodka" (langues slaves) est une déformation de "voda" = "eau" ; et "whisky" (gaélique), a une origine similaire.
Quant à l'image de l'"eau-de-vie", elle rappelle celle de "spiritueux", qui dérive de "spiritus" en latin et évoque le principe vital. L'origine de l'expression "eau-de-vie" est, paraît-il anecdotique : au début du XIVème siècle, des alchimistes auraient distillé une boisson très alcoolisée et pensé qu'elle ferait un bon élixir de longue vie… Soit. Mais tout de même, l'image n'a pas besoin de ça pour s'imposer. L'"eau-de-vie", c'est celle qui est forte au point de réveiller un mort, c'est le "cordial" (qui donne du cœur), ou encore ce qu'on appelait jadis, de l'"eau ardente" ou de l'"eau de feu".
Un mot pour finir sur d'autres métonymies : là encore quand le contexte s'y prête et que tout le monde sait de quoi on parle, il n'y a pas de honte à nommer un alcool du nom du fruit dont il provient : "une petite prune ?" "Une mirabelle ?"