TIMBRE
Par: (pas credité)
Voilà qu'on nous fait saliver avec le mondial du "timbre-poste", sous-titré Philexfrance (ce qui fait plus "philatélique", mais moins mondial), le tout s'exposant Porte de Versailles.
Avant de parler de "timbre", un mot de "philatélie", puisque c'est comme ça qu'on désigne l'activité qui consiste à collectionner des "timbres". Un mot savant donc, pour une activité assez anodine, bien qu'obsessionnelle. Mais il fallait lui donner une allure de sérieux : collectionner les timbres n'est pas un jeu d'enfants. C'est donc Herpin qui invente et propose le mot dans la revue "Le collectionneur de timbres-poste", le 15 novembre 1854.
Le préfixe "phil-" est des plus courants (qui aime, connaît, étudie). "Phil" désigne l'exemption d'impôts, du fait qu'une lettre affranchie peut être remise à son destinataire sans que celui-ci n'ait rien à acquitter. Et c'est la raison d'être du "timbre".
Le "timbre" donc, nous y voici. Un vieux mot qui vient du grec, comme "philatélie", mais en suivant un itinéraire infiniment plus populaire et tortueux. Il y a à l'origine deux séries d'avatars sémantiques :
- Selon une logique sonore. Le "timbre" est d'abord une cloche immobile, frappée avec un marteau, puis un tambourin, muni de petites clochettes (comme le tambour de basque). C'est à partir de là que le sens dérive, pour signifier d'abord le son d'un instrument de musique frappé, puis la qualité d'un son en général. Cette qualité, d'ailleurs se conçoit indépendamment de l'intensité, de la hauteur et de la durée, et envisage la chair même du son. Plus techniquement, le "timbre" est fonction des harmoniques émis en même temps que la fréquence fondamentale. Mais on ne parle pas de "timbre" pour des bruits confus, difficiles à analyser. On en parle pour des instruments ou des voix.
- Selon une logique de forme. C'est une autre histoire : de la cloche, le "timbre" a désigné le panache qu'on place au-dessus d'un casque, puis ce casque, puis en héraldique le casque, ou tout autre ornement représenté sur l'écu, et par là même une marque imprimée sur certains documents d'Etat qui les rend valides. Le "timbre" est donc depuis longtemps une marque d'authenticité et le "timbre postal" a été aussi bien un tampon du bureau où la lettre a été postée, certifiant le paiement du port, que la vignette d'affranchissement que l'on connaît aujourd'hui.
Le "timbre" est d'ailleurs une sorte de monnaie administrative - en tout cas, il sert souvent à payer : "timbre-amende" (pour les contraventions), "timbre fiscal"… et le "papier timbré", qui s'oppose dans le jargon administratif au "papier-libre", sert "à la rédaction d'actes civils ou judiciaires soumis au droit du timbre".
La question subsidiaire consiste évidemment à savoir pourquoi on dit de quelqu'un qu'il est "timbré" - l'un des multiples synonymes familiers de "givré", "secoué", "jeté", "marteau", etc. L'expression n'est pas récente, et elle l'explique par assimilation du "timbre-cloche" à la tête. Comme d'autre part, une cloche fêlée rend un son nasillard et un peu aigre, on comprend également l'expression ancienne, il a le "timbre fêlé".