CHEQUE

Par: (pas credité)


Qui sont les "sans-chéquier" ? L'enquête du CREDOC sur ce sujet a au moins l'avantage de nous familiariser avec ce mot nouveau, construit sur le modèle des héros de la précarité : "sans-papier", "sans-domicile fixe", "sans abri", etc. Bien sûr, "sans chéquier" n'est pas dans le dictionnaire, et il y a peu de chances qu'il y soit jamais, mais le mot est formé sur un modèle productif, et il est aisément compréhensible. En tout cas, les "sans-chéquier" dont on parle ne sont pas exactement ceux qui n'ont pas de "chéquiers", mais ceux qui n'en ont plus, ceux à qui leur banque leur a interdit d'en avoir. "Sans" a donc à double titre un sens privatif (indiquant ce qu'on n'a pas, parce qu'on en a été privé).

Le "chéquier", c'est évidemment le "carnet de chèques". Le premier mot est plus rapide, plus moderne, plus technique, et tend plus ou moins à s'imposer : le "carnet de chèques" fait vieux.

Quant au "chèque", inutile de s'étendre, tout le monde sait ce qu'est ce récépissé qui permet de débiter au profit d'un créditeur une certaine somme de son compte en banque.
Le mot s'installe en français au début du XVIIIème siècle, et on l'emprunte à l'anglais "cheque" ou "check". Mais, l'origine du mot anglais est compliquée et controversée. Le "chèque" semble bien venir de l'"échec" qui, au départ, représente le jeu stratégique qu'on connaît, et qui nous vient de Perse (Shakh mat = le roi est mort = "échec et mat").Le "jeu d'échecs" a donc donné l'"échiquier" et comme, semble-t-il, les banquiers du Moyen âge avaient coutume de compter leurs sous sur de petits tapis à carreaux, l'"échiquier" est devenu à la fois la métonymie de trésor (trésor royal anglais - chancelier de l'Echiquier) et également de vérification. D'où cette idée du "chèque", bordereau de crédit.
L'idée de vérification est encore primordiale en anglais, et le franglais, si jargonnant qu'il soit, nous en fournit des exemples : (checklist, checkpoint Charlie, etc.).

Quelques expressions bancaires techniques : "chèque barré" (obsolète, tous les "chèques" sont automatiquement barrés. Le "chèque barré" ne peut être endossé par quelqu'un d'autre que celui à l'ordre duquel il est émis). "Chèque sans provision", et familièrement dans le même sens, "chèque en bois". Cette dernière expression est curieuse, mais elle semble se comprendre en référence à quelques expressions qui font du bois un synonyme de fausseté ou d'artifice ("sabre de bois", "langue de bois"… N'importe, c'est quand même curieux).
L'expression "chèque en blanc" s'est vu confier un sens figuré, au-delà de son sens propre ("chèque signé", sans indication d'ordre ou de somme, qu'on remet à quelqu'un qui aura soin de remplir les indications manquantes en fonction de ses besoins). Cela nécessite bien sûr la plus grande confiance, et l'expression s'emploie souvent dans un contexte politique et électoral. Nous ne donnerons pas un "chèque en blanc" à nos députés, à la gauche, au gouvernement, etc. C'est-à-dire, nous leur donnons pouvoir de nous représenter à condition qu'ils rendent des comptes, qu'ils défendent un certain programme, et les intérêts de ceux qui les ont portés là où ils sont.
L'usage des "chèques" s'est étendu à d'autres pratiques que bancaires, "chèque-restaurant", "chèque repas", "chèque emploi-service"… Avec, en général, une forme du document bien spécifique : plus large que haut.