ILE
Par: (pas credité)
Le théâtre des Bouffes du Nord à Paris accueille le Market Theatre, troupe qui vient de Johannesburg, et qui présente une pièce intitulée "The island" en anglais - "L'île" en français. Cette "île" est celle de Robben, de sinistre mémoire pour l'histoire récente de l'Afrique du Sud : c'est là, en effet, qu'ont longtemps séjourné, en captivité, Nelson Mandela et Walter Sissulu entre autres.
De fait, il est fréquent qu'une "île" serve de lieu d'incarcération, ou de privation de liberté. Elle peut être considérée comme une prison naturelle, dont la mer est la muraille. Monte-Cristo, au Château d'If est sur une "île". Quant à l'"île" de Gorée, pour n'en citer qu'une autre, au large de Dakar, son histoire est plus funeste encore, et plus réelle, puisque c'est là que les captifs étaient concentrés avant que l'infâme traite ne les envoie en esclavage en Amérique.
L'"île" est donc un endroit où on "isole", où on s'"isole". Et d'ailleurs, les deux mots sont de même racine. Par l'intermédiaire de l'italien, les mots "isolé", et "îlot" qui viennent du latin, sont arrivés en France, avec d'abord un sens architectural : une maison "isolée" formait un ensemble "isolé", séparé du reste. Un "îlot" a souvent le même sens et, en tout cas, désigne un pâté de maisons.
Ces mots, graduellement ont été utilisés dans des contextes différents : en littérature (un passage isolé), et même dans un lexique militaire : un "isolé" était un soldat qui n'appartenait à aucun corps - ce qu'on appellerait peut-être aujourd'hui un électron libre. L'"isolement", pour finir, a fini par désigner le fait d'être séparé des autres.
"Etre isolé", serait donc être seul ? Soit, mais les deux mots sont d'origine totalement différente : "isolé" n'a pas de rapport avec "solitaire" ; c'est le hasard qui a joué. Il n'empêche : la proximité des sonorités a évidemment favorisé la proximité des sens, et un cousinage s'est installé : quand on est "isolé", on est "seul".