PAS

Par: (pas credité)


L'aide aux plus démunis semble marquer le "pas". Souhaitons que ce ne soit pas vrai, ou que ce soit momentané. C'est, en tout cas, ce que déclarait récemment la presse française, en utilisant une expression assez courante dans le vocabulaire journalistique d'aujourd'hui, et parfois assez mal comprise : "marquer le pas". La locution est en effet énigmatique, et parfois interprétée à l'inverse de son sens : "marquer le pas", ce n'est pas "hâter le pas", le faire plus pressant, mais au contraire, marquer un temps d'arrêt, faire halte.

Si l'expression est à la mode aujourd'hui, ce n'est pas pour autant qu'elle est moderne : elle date semble-t-il de l'époque napoléonienne, et le "pas" dont il est question est bien sûr celui des soldats. On le sait, les soldats doivent marcher en cadence, et chaque armée a son "pas", en tout cas pour la parade. L'important c'est que tout soit réglé, que l'allure militaire toute entière donne une impression d'ensemble. Et "marquer le pas" précisément, c'est faire semblant de marcher, rester sur place en mimant la marche. "Piétiner", me direz-vous ? Que non pas ! "Piétiner" donne une impression brouillonne et non délibérée. Alors que "marquer le pas" est une allure comme une autre - sauf qu'on n'avance pas.

Le "pas", on l'aura compris, correspond donc à une certaine allure, à la fois une façon de marcher et une vitesse de marche. Et les expressions toutes faites sont nombreuses, qui en témoignent : "allonger le pas", "doubler le pas", pour dire qu'on accélère (et c'est souvent au sens propre qu'on emploie ces tournures).

Plus imagée, l'expression "pas à pas" qui évoque non seulement la lenteur, mais la prudence, comme "à pas comptés", voire "à pas de loup" (et là, c'est plutôt de la discrétion, du silence qu'il est question : le loup prend à son compte une qualité qui est souvent réservée au chat : il a des pattes de velours).

Mais le pas, c'est aussi souvent un mouvement, un geste : parfois malencontreux : un "faux pas" (souvenir de la danse ?), un "pas de clerc" (bizarrement cette locution, un peu vieillie a le même sens).

Il arrive que l'image du "pas" soit comprise de façon plus abstraite, comme représentant le commencement d'une démarche : le "premier pas", c'est le premier geste (en particulier dans le vocabulaire amoureux, ou dans le contexte d'une réconciliation : celui qui fait le "premier pas" s'expose, bien sûr). Et d'ailleurs, il n'y a que le "premier pas" qui coûte. Cette expression courante renvoie plutôt à l'idée de la mauvaise pente : seule la première mauvaise action active remords ou scrupule ; ensuite, l'habitude du mal est prise… sagesse populaire un peu hâtive et souvent douteuse, Dieu merci : le deuxième "pas" coûte aussi.

Enfin, "pas" = passage : le sens est plus spatialisé. C'est un peu un synonyme de seuil (Cf. certaines appellations géographiques : "le Pas de l'Escalette"). C'est ce sens qu'on retrouvera dans des tournures telles que "sauter le pas" ( = prendre une décision difficile, franchir une étape décisive, en bonne comme en mauvaise part) ou se tirer d'un mauvais pas, c'est-à-dire d'une situation difficile.