FICTION

Par: (pas credité)


Emplois "fictifs" ! Tous les ragots politiques ne frissonnent que de cette expression qui fait trembler les uns et frémir les autres. De quoi s'agit-il ? C'est simple : d'un poste de complaisance, créé pour que quelqu'un puisse être payé sans qu'il travaille réellement. L'emploi est donc réel : il a une existence administrative, figure dans l'organigramme de la structure ou de la société en question. Et surtout, son titulaire est rémunéré. Mais par contre, il ne fait rien pour justifier son salaire. Et dans les affaires récentes, ceux qui bénéficiaient de ces emplois "fictifs" ou bien travaillaient pour d'autres structures qui n'avaient pas les moyens officiels de les payer (en particulier de partis politiques, qui finançaient ainsi certains de leurs cadres) ou bien étaient simplement payés à ne rien faire grâce à la largesse et à la conscience élastique de certains de leurs proches.

En tout cas, on comprend bien le sens du mot "fictif" dans cet usage : inventé ! Pas de contenu mais une définition administrative aussi solide que pour n'importe quel autre emploi. Irréel donc, mais pas inexistant.
Ces deux sens sont en fait présents dès l'origine, dans le mot :
"Fictio", en latin, veut dire d'abord action de façonner, de créer (la famille est celle de "facere" = faire), puis action de feindre, de faire semblant.
Mais le mot est entré dans le vocabulaire du droit à partir du Moyen âge, avec un sens qu'il n'a que rarement aujourd'hui : celui de convention : "fiction" de droit (un enfant conçu considéré comme déjà né, par exemple)

Mais, ce mot de "fiction" a eu une heureuse carrière littéraire. "Fiction" voulant dire fait imaginé, on a eu vite fait de l'associer au monde imaginaire de la littérature. Une "fiction" est une histoire inventée, et même un grand genre qui englobe les romans, les récits, les nouvelles… bref tout ce qui relève d'un monde inventé.

Et le mot s'est bien sûr spécialisé dans la "science-fiction".
Le mot apparaît en français vers 1950, calqué sur une expression américaine. La décomposition du mot montre d'ailleurs une construction tout à fait anglophone, là où le français aurait plutôt dit : "fiction scientifique". Mais, le mot a pris à tel point que les habitués parlent en abrégeant (S.F.). Il s'agit de construire tout un monde à partir de ce qu'on induit des progrès scientifiques à venir, et des répercussions qu'ils auront sur les rapports sociaux. Le nom d'une collection qui fut célèbre est d'ailleurs explicite : "Ailleurs et demain" (qui fait pièce, bien sûr à ici et maintenant).
La structure linguistique du mot "science-fiction" est si bien intégrée à notre langue qu'on a produit sur ce modèle la "politique fiction", qui désigne l'anticipation du monde politique dans un avenir proche, induit de la situation présente.