UTOPIE
Par: (pas credité)
"Utopia", c'est le nom du festival européen de films de science-fiction qui s'est déroulé en France, à Poitiers. Et que l' "utopie" soit liée à la science-fiction ne nous étonnera pas. Bref, retour sur ce mot.
Son origine est double, au moins. Son étymologie lointaine nous fait arriver au grec Topos qui veut dire "lieu" ( cf. "toponymie" : ensemble des noms de lieux ; "topographie" : représentation d'une région, etc.).
L' "utopie", c'est donc littéralement le non lieu, ou plutôt le lieu qui n'existe pas. Mais c'est sous sa forme latine, "utopia", qu'il a connu son succès en français, non pas grâce à un auteur romain, mais grâce à un Anglais qui, comme les clercs de cette époque, écrivait en latin. Le roman de l'île d' "Utopie" paraît en 1516 en Angleterre. Thomas More, haut fonctionnaire de l'époque, commence par dresser un portrait particulièrement sombre de l'Angleterre qu'il connaît bien, et des vices de son gouvernement (vénalité des charges, corruption, intrigues courtisanes). Il invente ensuite une île de nulle part (cette "Utopia") administrée par le gouvernement qu'il appelle de ses vœux, de façon somme toute assez démocratique proche d'un certain rêve du socialisme.
Une "utopie" est donc un rêve, mais un rêve assez intellectuel, et non une rêverie qui va son rythme. Il s'agit d'une projection, d'une construction imaginaire qui figure la cité idéale. Au premier sens, il est donc toujours question d'une sorte d'Eden social, qui met l'accent sur un projet politique, sur des relations sociales, de pouvoir, de production, etc. Mais, en même temps, cette anticipation prend sa place dans un lieu inventé, dont la forme même et l'architecture sont souvent à l'image du projet tout entier. Cette imagination n'est donc pas abstraite, mais a le charme d'un endroit de rêve.
La littérature et la philosophie politique ont donné de nombreux exemples de ces types d' "utopie", du Clarens de la Nouvelle Héloïse au Phalanstère de Fourier.
Mais de fil en aiguille, on a nommé "utopies" des lieux imaginaires moins paradisiaques, qui servaient, dans la littérature satirique de repoussoirs, ou de reflets de notre monde. Citons rapidement l'Eldorado de Candide ou les étranges contrées où aborde Gulliver, de Lilliput à Brobdingnag.
L' "utopie" littéraire n'est donc pas toujours absolument idéale : le sens du mot s'est élargi.
Et de façon bien plus générale, on emploie le terme d' "utopie" pour qualifier une pensée qu'on trouve irréaliste : est "utopique" tout ce qui relève d'un doux rêve, qui semble impossible à réaliser, qui ne tient pas compte des impératifs du réel.