COUTEAU
Par: (pas credité)
"La plume et le couteau" : tel est le titre d'une pièce de Maïssa Bey, présentée au TILF, dans le cadre de l'opération "Francophonie au féminin".
De "plume", on a déjà largement parlé, et récemment. Mais le "couteau" ? Voilà un mot qui, lui aussi, est riche en images.
Et d'abord en images agressives : le "couteau" est une arme, petite, maniable, qu'on peut porter sur soi. C'est donc, par excellence, l'arme de l'individu ordinaire, non pas celle du soldat, mais une arme privée et plutôt populaire ; outil culturel et brutal de la défense de son honneur ou de son intérêt. Un instrument d'homme d'ailleurs, ce qu'on explique par un machisme immémorial autant que par le symbolisme phallique du "couteau".
De là, un certain nombre d'expressions plus ou moins figées : l'attribution de ces responsabilités risque de se faire "au couteau" (c'est-à-dire non pas à l'amiable, mais à l'issue d'une lutte âpre, de façon très conflictuelle.)
Expression plus figée, et plus abstraite : "être à couteaux tirés" qui s'emploie vraiment comme un attribut : "ils sont à couteaux tirés" ; "il est à couteaux tirés avec Gaspard". Ce qui signifie : ils sont dans une relation très tendue, dans un rapport d'une grande hostilité. Attention : il ne s'agit pas d'une brouille, et ça désigne souvent une relation provisoire.
Les autres locutions qui intègrent le mot "couteau", si elles évoquent également une certaine rudesse, sont moins associées à un conflit entre plusieurs personnes :
"Avoir le couteau sous la gorge" veut dire être acculé, ne plus avoir d'échappatoire, en particulier dans un contexte financier, quand il s'agit de dettes : c'est le "couteau" du créancier qu'on imagine sur la gorge du débiteur : "il a dû vendre la maison à vil prix : il avait le couteau sous la gorge".
Quant à "remuer le couteau dans la plaie", ou "retourner le couteau dans la plaie", l'expression est sadiquement expressive, mais s'applique en général à des circonstances moins sanglantes. Elle signifie rappeler avec insistance une situation désagréable, qu'il est odieux de se remémorer : "Quand je pense que tu avais justement oublié ton carnet de chèques ce jour-là, et que tu n'as pas pu acheter ce fauteuil à la vente aux enchères, alors qu'il était bradé à 500 F et que c'est Grégoire, ton infâme rival qui a profité de la bonne affaire"…
Un mot pour finir du "couteau de tripière", expression totalement sortie d'usage, mais très pittoresque pour désigner celui qui, selon les circonstances, dira du bien ou du mal de quelqu'un. En effet, le "couteau de tripière" était réputé pour être aiguisé des deux côtés ; on s'en servait donc de l'un ou de l'autre. Une arme "à double tranchant" ? Exactement, mais pas dans le sens que cette dernière expression a pris aujourd'hui.