CANCAN
Par: (pas credité)
Féerie... Un spectacle dont on nous promet monts et merveilles. Féerie : 100 artistes, dont 60 Doriss girls, dont la filleule de Line Renaud, Michelle Rushowi...
On nous assure que la grande tradition du lieu -Le Moulin Rouge- sera respectée. Mais, j'espère au moins que les règles élémentaires du "cancan" seront respectées, car le Moulin Rouge sans le "cancan"...
Mais le "cancan", qu'est-ce ? Etymologiquement, c'est la danse des canards. En effet, le mot est formé par la duplication de la première syllabe de "cancaner", verbe qui exprime le cri du canard, et qui par delà évoque bien sûr son dandinement, sa gaucherie supposée et sa façon de tortiller du croupion. Mais, le mot "cancan" qui existe bien avant la danse, a une autre signification et croise son origine avec une autre : il s'agit de la déformation plaisante de quamquam, conjonction latine qui signifie quoique, néanmoins et qui symbolise l'argutie inutile et la péroraison cuistre.
Mais revenons au mouvement : de quoi s'agit-il ? D'une danse, héritée du quadrille, qui devient à la mode à partir de 1830 à Paris dans les bals populaires. Ce sont ces pas tapageurs et excentriques qui seront illustrés à la fin du siècle et à la Belle Epoque dans les revues que présentent les grands cabarets parisiens.
Le "cancan" devient donc danse de spectacle : les danseuses costumées sont en ligne, lèvent, étendent et montrent leurs jambes, leurs caleçons, leurs froufrous, leurs plumes, faisant ainsi des "révélations intéressantes", et poussant des cris aigus qui excitent, semble-t-il, au plus haut point les spectateurs. Toute cette musique et cette chorégraphie sont assez précisément réglées, profitant des contributions de musiciens savants, comme Offenbach évidemment avec "La Vie parisienne", mise en abîme de tout ce petit monde, et auparavant avec le "cancan" fort entraînant de la fin d' "Orphée aux Enfers".
C'est donc toute une image du plaisir et de la bourgeoisie qui s'encanaille au tournant du siècle que symbolise le "cancan", qu'on appelle d'ailleurs volontiers le "french cancan" pour souligner de façon publicitaire le succès qu'il a parmi les riches voyageurs étrangers (les Anglais, traditionnellement, mais aussi l'image du Brésilien de "la Vie parisienne").
On anglicise à plaisir dans ce monde qui se revendique justement comme l'illustration d'une certaine France. Sur scène, on voit des girls, les danseuses de la troupe, opposées aux vedettes. Et tout ça se passe au music-hall, mot anglais à la prononciation fluctuante pour la première syllabe (music ou miousic), mais dont la fin est prononcée à l'anglaise sans problèmes, comme si la deuxième syllabe comportait un o fermé.