TRIPES
Par: (pas credité)
Le prion frapperait-il encore ? C'est l'inquiétude de beaucoup : le danger est peut-être encore là, tapi au plus profond de la viande, alors même que les habitudes alimentaires ont quelque peu changé.
Ainsi l'avenir de la "triperie", déjà largement compromis par toute une évolution bien antérieure au ricanement de Kretzfeld-Jacob, semble assez noir.
Mais les mots pour quelque temps, survivent aux choses, et il en est des "tripes" comme de ces étoiles qui scintillent encore si longtemps après qu'elles sont mortes.
La "tripe", donc, au sens propre, est un boyau d'animal, ou même l'estomac d'un ruminant. Bien préparé, c'est un peu lourd, mais goûteux et nourrissant (à la mode de Caen, à la Niçoise, tripoux, pieds et paquets...). Et de nombreuses expressions actuelles sont liées à la tripe.
Elle évoque d'abord l'intérieur du corps, et on la trouve dans des expressions forcément un peu crues : "vomir tripes et boyaux" (= vomir douloureusement) ; "mettre la tripe à l'air ou au soleil "= éventrer (Cf. étriper ; c'est exactement la même image), et c'est plutôt un terme de menace qu'une évocation d'un réel sadique.
La "tripe" est liée à une idée d'authenticité. "Avoir la tripe républicaine" : être républicain sans partage, "viscéralement" (Cf. anticommunisme viscéral).
Et cette signification repose sur l'idée que rien de tout ça n'est intellectuel, mais profond, qui fait partie de votre être profond.
Les "tripes" sont d'ailleurs associées à la sensibilité, à l'émotivité brute, exprimée de façon très directe. Et cette force émotive se veut garante de sa vérité : "un acteur qui joue avec ses tripes", qui met les tripes sur la table peut à son tour vous remuer les tripes.
Ce Depardieu est "tripal" (l'adjectif est jargonnant, mais possible dans certains salons chics).
Un sort à part est à faire "à tripette", petite tripe, synonyme de pas grand chose ("ça ne vaut pas tripette"), et dont le sens s'associe plutôt aujourd'hui à "trois pets"... "trois pets de lapin" étant l'image extrême du peu de valeur.
Autre pan essentiel de la "triperie", l'andouille, depuis longtemps devenu synonyme de crétin niaiseux, parfois même intensifié en andouille pelée (déjà Rabelais nous parle d'un grand dépendeur d'andouille).
Le boudin, enfin n'a pas non plus très bonne presse : partir finir, tourner "en eau de boudin", c'est ne pas aboutir, échouer progressivement. Et "faire du boudin", ancien argot, encore compris et même utilisé de façon enfantine, c'est bouder, simplement par assonance. Et qui encore se souvient que "faire un boudin" c'était jadis marier un gentilhomme désargenté (idée du sang) avec une riche roturière (idée de la graisse).