CHEZ

Par: (pas credité)


Maxim's : cent ans de vie parisienne. Tel est le sujet d'une conférence que Pierre Cardin a donnée le 20 janvier (pour ceux que ça intéresse), chez Maxim, ce célèbre restaurant parisien de la rue Royale. C'est que "chez Maxim's" a été l'une des adresses chics par excellence.

Mais, en fait, c'est la préposition "chez" qui nous intéresse spécialement. "Chez" indique souvent une désignation commerciale : une entreprise, une marque : "chez" Renault, on fait des voitures, et "chez" Danone, des yaourts. Il s'agit donc des voitures de la maison Renault et des yaourts de la maison Danone -et ce n'est pas tout à fait par hasard que je parle de la maison Renault : c'est en effet l'image qui est à l'origine de la préposition.

"Chez" dérive du bas-latin "casa" : la maison. Il indique une idée de domiciliation et d'appartenance. Et la préposition peut même se souder au pronom à l'aide d'un trait d'union : "chez-moi", "chez-soi" (invariable) : J'ai mon petit "chez-moi". A partir de là, l'expression s'élargit aux lieux du commerce ou de l'artisanat, tout en restant très liée à la personne du patron ou de la patronne. Ainsi, des restaurants, tavernes, estaminets : "Chez Julien", "Chez Françoise", "Chez Maxime"... même si l'établissement est important et chic, et que cette modestie n'est plus rien qu'une coquetterie commerciale.

Revenons quand même à Maxim's le célèbre restaurant de la rue Royale à Paris. Il a une enseigne à l'anglaise avec cette apostrophe s qui est l'équivalent anglais de notre "chez". "Je vais dîner chez Maxim's" est donc un pléonasme. Ce pléonasme déclasse-t-il celui qui s'en rend coupable ? Il classe tout autant parmi les cuistres méprisants celui qui le relève. Le piège à rats socio-linguistique a enfermé dans la même cellule cette victime et ce bourreau.

D'une faute l'autre : on sait bien que la tarte à la crème du bon usage consiste à conspuer ceux qui disent "au dentiste" pour "chez le dentiste", "au docteur" pour "chez le docteur". C'est qu'il ne faut pas confondre le lieu lui-même et celui qui l'occupe : on dit "chez l'épicier", mais on dit "à l'épicerie" ; "chez le médecin", mais "au dispensaire", ou "à l'hôpital". On sait aussi que l'ancien français usait sans vergogne de la préposition "à" devant un nom de personne, dans un cas particulier : on disait "aller à l'évêque", "au ministre", pour dire s'adresser, avoir recours "au ministre" ou "à l'évêque", de même qu'aujourd'hui, dans un français familier on dit "aller aux flics", pour dire porter plainte.

En veut-on encore qu'en voilà un peu : "chez" a bien d'autres emplois, en particulier à l'époque de "chez les Romains", dans l'oeuvre de "chez Turner", dans la personnalité de "il y a chez Evelyne une grâce que j'aime tout particulièrement".