TURC
Par: (pas credité)
"Turqueries" à La Villette. De quoi s'agit-il ? Musique, culture, exotisme… on y reviendra.
Le "Turc" et son monde, en tout cas, sont depuis longtemps productifs, porteurs d'une imagerie prolixe et de significations contrastées.
Commençons par le péjoratif, on sera bien content ensuite de trouver du plus agréable.
Dans l'imaginaire français chrétien, le "Turc" a longtemps représenté non seulement l'autre, le différent, mais l'ennemi redoutable. Il représente à lui seul la non chrétienté, l'infidèle contre qui on part en croisade. A tel point que "se faire Turc" signifie, encore au XIXème, se convertir à l'Islam.
Expression parfaitement vivante aujourd'hui : "tête de turc" qui signifie souffre-douleur, objet de moqueries abusives et qui souvent paie pour les autres. La référence est un jeu de fête foraine qui permet prétendument de mesurer sa force : on tape sur une fantaisiste et caricaturale "tête de turc", censée vous électriser (œil noir, turban, toute la panoplie) ; un appareil mesure l'intensité du coup, et on est content.
Et justement si on s'attaque au "Turc", c'est qu'on considère qu'il est fort. Mais l'expression "fort comme un turc", elle aussi encore tout à fait vivante, n'est pas vraiment péjorative. C'est un peu l'équivalent de costaud, baraqué. Et le sens est toujours concret : il s'agit bien de la force physique : on ne dit pas "en maths, il est fort comme un Turc".
Le "Turc", s'il fait peur depuis longtemps, depuis longtemps fascine. Et l'image du barbare cruel se double de celle de l'oriental raffiné en même temps qu'il est lointain, étrange et exotique.
On en arrive donc à la "turquerie". Ce mot a deux sens sortis d'usage : cruauté qu'on prête aux Turcs ; et pierre semi-précieuse. Mais, aujourd'hui, la "turquerie" ne désigne plus qu'un spectacle, un divertissement, une musique qui évoque un Orient fantaisiste. La tradition est assez ancienne : on pense à Molière et au Mamamouchi, mais aussi à Mozart, avec la "Marche turque" (et l'Enlèvement au Sérail, la Flûte, etc.). D'ailleurs, les rondos à la "turque" (alla turca) étaient choses fréquentes chez les compositeurs du XVIIIème et même XIXème siècle. Toutes ces productions n'ont, bien sûr, de "turc" que le nom, et sont bien plus révélatrices du goût de l'imaginaire lointain des cultures qui les suscitent que de la culture "turque" elle-même.
Alors, l'adjectif "turc" renvoie-t-il parfois à des réalités de la Turquie ? Pas vraiment, bien qu'en ce qui concerne le café "turc" ou les bains "turcs", l'origine orientale soit indéniable.