DIX MOTS DU FRANÇAIS COMME ON L'AIME

Par: (pas credité)


Comme les années précédentes, en amont de la semaine de la langue française, dix mots ont été choisis pour leurs caractéristiques intrinsèques et mystérieuses, comme étant révélateurs de la beauté du français. On ne va pas essayer de trouver un point commun à ces dix mots, ce serait trop artificiel. Mais on peut tenter de voir si on peut les regrouper par affinités, et voir comment ils peuvent définir quelques pôles de l'amour du français aujourd'hui.

Tintinnabuler, aube, azur, dune, subtil, trouble, métis, hasard, jeu, personne. On se rappelle le mot de Paul Valéry sur la poésie : une longue hésitation entre le son et le sens. Comment donc interpréter le choix de ces mots ? En fonction de l'enchantement qu'on retire du rapport son/sens, probablement. Et c'est l'examen de ce rapport qui peut nous en dire plus sur un portrait-robot de l'amour du français aujourd'hui.

"Tintinnabuler" couronne l'onomatopée triomphante. Cela signifie "tinter" comme une clochette, et Henriette Walter qui a choisi ce mot souligne sa consonance onomatopéique et la répétition quasi enfantine des deux premières syllabes qui lui donnent un petit air guilleret.

Ensuite, trois mots à mettre dans le même panier, et qui évoquent à la fois des choses et des sons purs : "azur", "aube", "dune".
"Azur", le bleu du ciel avec quoi rien ne rime, mot poétique et mallarméen… qui évoque pour Etienne Brunet qui l'a choisi, la froideur minérale de la glace et du métal, en même temps qu'il a été galvaudé par les publicitaires : il fait rêver donc il fait vendre.
L' "aube", "entrebâillée sur la lumière à venir… apporte sa bulle de fraîcheur matutinale".
Quant à la "dune", énigmatique et changeante, elle évoque aussi une pureté sauvage et inhumaine, en même temps qu'elle semble douce et mordorée. Voilà pour la pureté, à laquelle l'homme n'accède que par exception.

Mais quelques autres mots rendent compte de ce que l'amour de la langue n'est pas une science exacte. L'humanisme, ces dernières années, se méfie de la pureté, qui a fait des ravages. Il met en valeur des notions comme la différence, la rencontre, l'échange, le mélange : la vie, c'est l'impureté : voilà une idée à la mode. Les mots choisis s'en font l'écho.

On a donc "métis", mot à la mode par excellence, et qui a désigné ce qui est fait mi-partie d'une matière et d'une autre (une religieuse café/chocolat). Le "métis" est aussi une personne dont les deux parents sont d'origines (et de couleurs de peau en général) différentes. Mais l'usage du mot est aujourd'hui souvent abstrait : "métissage" des cultures…

Et le "trouble" fait réfléchir, ce "trouble" qui opacifie les certitudes comme le pastis évite que l'onde soit transparente ainsi qu'au plus beau jour. (Si l'agneau avait su…).

"Subtil" évoque le serpent d'Eve, "ce qui se glisse entre l'évidence et son contraire", le bouquet d'un vin, "l'arôme, la délicate brume de saveur sur la langue, qui s'évapore, disparaît mais ne s'oublie pas, et immatériellement persiste", comme le dit si bellement Salah Stétié.

Le "hasard" n'est pas loin, incertain par définition qui, étymologiquement, désigne le jeu de dés. Donc, un pas suffit pour aboutir au jeu : "S'il ne faut pas se jouer des mots, il est hautement conseillé de jouer avec". (Patrice Louis)

Et le dernier pas nous amène du jeu au mot à double sens : "personne", qui désigne tour à tour l'absence et la présence, une "personne" et nulle "personne".