DRAGUE, FLIRT , MARIVAUDAGE
Par: (pas credité)
Trois mots différents pour leurs échos et leur sens et aussi leur âge.
Et aussi leur âge : drague sonne comme un mot moderne ; son acception libertine remonte à quelques dizaines d’années ; il ne devient courant dans ce sens que dans les années 70. Flirt est un anglicisme relativement ancien (deuxième moitié du 19e). Marivaudage apparaît au 18e, et ne prend une tournure amoureuse que dans la première moitié du 19e.
Mais ce sont les sens et les emplois qui diffèrent le plus. Les trois mots, s’ils évoquent des manœuvres de séductions amoureuses, ne partagent pas le même point de vue.
Drague est le seul des trois à avoir un fonctionnement à sens unique. Il s’emploie en général pour un homme (dragueur est courant ; pas dragueuse) qui veut « s’emparer » d’une femme, la ramener dans ses filets, est éclairante. On a bien l’image du pêcheur (ou du chasseur) et de la proie. D’autre part, les premiers sens – ôter le sable du lit d’une rivière à l’aide d’un genre de filet – indique bien que l’opération se fait « à l’aveugle ». La volupté de la conquête prime sur l’objet à conquérir. Et aujourd’hui, le mot , bien que son usage assez courant ait dépoussiéré la vulgarité qui l’accompagnait dans un premier temps, n’a rien de littéraire.
Avec flirt, c’est différent : l’ancienneté du mot, son usage plutôt rare, son aspect rétro le rendent, sinon littéraire, du moins recherché. L’histoire étymologique a été sujette à des aller-retour : on l’a souvent pris pour un emprunt au français fleur, par l’intermédiaire de conter fleurette. Or il semble que cette expression soit bien postérieure aux attestations de flirt, qui en ancien anglais signifierait voleter, s’agiter, et par conséquent, être inconstant, badiner. En tout cas le flirt évoque un jeu qui se joue à deux, une séduction, un tisonnement amoureux mutuel, et non une stratégie de chasseur.
Le marivaudage a également cet aspect duel.. Mais plus encore que pour le flirt, il évoque un jeu qu’on joue pour le plaisir du jeu, « pour rire », pas pour de vrai. Le souvenir des masques et des travestissements qui émaillent les pièces de Marivaux (auteur célèbre de pièces légèrement graves du 18e) est encore présent : on prêche le faux pour savoir le vrai, on se cache à l’autre pour finir pas se découvrir à soi-même.
Mais il reste un point commun à ces trois mots : ces jeux de séductions se croisent dans les préliminaires de l’amour. Et que ces préliminaires soient ou pas suivis d’une conclusion consommatrice est une toute autre histoire.