ESPECE
Par: (pas credité)
Espèce de cruche, d’andouille, de sale malpoli… Ce mot d’espèce est d’un usage fort courant, mais au premier sens, il désigne un genre, une catégorie : espèces animales ou végétales. Lorsque l’investigation scientifique consistait essentiellement en taxinomie, l’espèce était un élément très important du vocabulaire savant. Il sert à reconnaître, classifier, nommer. Il se subdivisait en genres, ordres etc…
Et le sens du mot s’est élargi, puisque de façon plus vague, on parle d’espèces de tulipes, de fromages : espèce est synonyme de sorte.
Mais la fonction du mot est bien plus large : il sert souvent à introduire une idée de comparaison et d’approximation. Revenons à nos interjections introductives : espèce d’andouille. On peut considérer que le susnommé est bête comme une andouille. L’expression est là pour rappeler cette structure comparative, et aide précieusement à propulser les injures les plus pittoresques : espèce de langouste.
Problème de genre : le francophone sourcilleux s’avisera de dire : c’est une espèce de crétin qui m’est rentré dedans. Mais souvent, lorsque l’injure (ou plus largement, le complément : une espèce de ciment) est du masculin, on met le mot espèce au masculin également : un espèce de truc. J’ai été reçu par un espèce de larbin chamarré. (Phénomène d’attraction). Comme cet usage s’observe essentiellement dans la langue parlée, les puristes manquent de prise et l’usage est roi.
Espèce sert aussi à moduler le sens du mot : le torchis est une espèce de ciment naturel (ce n’est donc pas exactement du ciment ; c’est comme un ciment…) Je me suis fabriqué une espèce de table de nuit avec des briques et une planche (ça tient de la table de nuit…)
Il m’a fait une espèce de sourire (un simulacre de sourire…)
Et bien sûr, espèce sert à introduire des injures, comme un tremplin, ou un exposant.
On citera pour mémoire le classique espèce d’espèce, et on se souviendra que dans certains pays francophones, le mot espèce tout seul est devenu injurieux, voire très injurieux.