SOUS LES POMMIERS…

Par: (pas credité)


Jazz sous les pommiers… Tel est le nom du festival de jazz de Coutances, l’une des plus intéressants du genre. Mais pourquoi sous les pommiers ? D’abord pour situer : le pommier est comme l’emblème de la Normandie et la culture normande peut s’en faire un oriflamme. Soit. Mais pourquoi sous les pommiers ? C’est que le jazz, facilement enjambe les cultures. Et en l’occurrence, le clin d’œil vise les tropiques, et l’expression sous les palmiers. Cette expression familière évoque la douceur du farniente, l’inaction douce, l’indolence sans état d’âme de celui dont la torpeur oscille entre rêve et bien-être, les doigts de pied en éventail et la tête à l’ombre. L’image, parfois narquoise, peut aussi évoquer celui qui est ailleurs, dans la lune, dans les nuages, celui que sa béatitude en tout cas éloigne des soucis de ce monde (à l’ouest ?). Idée toute faite d’une paresse tropicale et d’une sieste quasi permanente.

Tous les arbres sont-ils aussi fertiles en images linguistiques ? Les terres chaudes sont plutôt productives.
On a ainsi le cocotier : secouer le cocotier. Se dit des jeunes ambitieux et entreprenants qui veulent faire bouger les choses, et déboulonner les anciens, les « barons », qui tiennent les places les plus en vue sans vouloir céder le terrain. Et ceux-là, lorsqu’ils persistent au-delà du raisonnable, on dit qu’ils s’accrochent au cocotier. Imagerie naïve et déformée, colportée par des colons au front bas, qui feignaient de croire que les Polynésiens se débarrassaient de leurs anciens, bouches à nourrir inutiles, lorsqu’il était avéré que ceux-ci étaient trop faibles pour monter au faîte d’un cocotier.

Etonnant avatar de cette expression, décrocher le cocotier, dans le même sens que décrocher la timbale. Totalement illogique, mais pourtant employée, probablement née d’une confusion entre l’expression précédente (s’accrocher au cocotier) et l’idée du mât de Cocagne, auquel on monte pour arracher le prix fixé à son sommet. Cocagne/cocotier ? Une certaine contiguïté phonologique est là pour expliquer cette bizarrerie.
On peut maintenant comparer l’image secouer le cocotier avec une autre, bien différente : secouer comme un prunier. Comme un prunier n’est ici qu’un intensif : ça veut dire secouer violemment, et ça s’emploie le plus souvent lorsqu’on secoue quelqu’un (quoiqu’on puisse aussi secouer comme un prunier un appareil récalcitrant par exemple). Pourquoi un prunier ? Il faut se souvenir qu’une prune depuis longtemps est un synonyme argotique d’un coup, notamment un coup de poing. Un peu comme un marron ; seulement voilà : on ne secoue pas le marronnier pour faire tomber les marrons ; on ne dit donc pas secouer comme un marronnier.

Mais le marronnier aura quand même sa place dans notre émission, puisque au sens figuré, dans le jargon de la presse, le marronnier est le sujet prévisible et attendu, qu’on peut traiter tous les ans à la même époque, et sensiblement avec le même ton. Comme les marrons qui tombent, et qui symbolisent fin septembre la rentrée des classes. Un sujet de société qui est d’actualité tous les ans.