COMMERCE, MARCHÉ, MARKETING, MERCHANDISING

Par: (pas credité)


Les mutations technologiques entraînent dans leur sillage des changements économiques, et de nouvelles façons de les exprimer. « Mais, les nouvelles dénominations ne vont pas toujours où on s’attendrait qu’elles allassent » (comme je dis toujours). Ainsi, les modes anglicisantes n’occupent pas tout le terrain, et cèdent le pas, parfois, sans aucun esprit de système et sans désir spécial de défendre le français. Simplement, il y a une certaine liberté dans la formation des nouvelles expressions. On ne parle plus systématiquement de « business », et le bon vieux « commerce » réapparaît sans complexe. Mais, dans l’écume de la « nouvelle économie », on parle d’ « e-business », aussi bien que d’ « e-commerce ». Et, on prononce « i-commerce ». C’est donc bien vaguement anglicisé (e est l’initiale d’électronique, prononcé à l’anglaise, et placé, à l’américaine, avant le substantif) ; et pourtant le mot principal évoque plutôt l’économie de Papa : les « commerçants », le petit « commerce »…

Il y a un autre mot bien français, bien ancien, qui est assez productif – et ce, depuis longtemps : ça ne date pas de ladite nouvelle économie – c’est le mot « marché ». Mais, bien sûr, s’il est si en vogue, c’est qu’il traduit assez facilement l’anglais « market », l’un des maîtres mots de l’économie moderne.
Pour le mot lui-même, pas de problème. On dit bien « marché », et pas « market ».

Ça se corse avec les dérivés : « Marketing » s’utilise depuis plus de trente ans, et l’équivalent « mercatique », ancien également, mais créé de toutes pièces pour éviter l’anglicisme. Et « mercatique » n’a jamais vraiment pris, ni dans les milieux financiers, ni dans le langage ordinaire. La meilleure preuve est que « marketing » est parfois utilisé dans un sens figuré : « pour présenter ton projet, va voir d’abord le directeur commercial, plutôt que Madame Trachu. Sinon, tu ferais une grave erreur de marketing ». (et pas de « mercatique »). Rappelons que le « marketing » est l’ensemble des analyses de marché qui étudient ou accroissent la clientèle : quelle demande est non satisfaite ? quelle demande peut-on créer ? comment vendre des repas pour une personne à des divorcés boulimiques ? comment vendre des balances à des anorexiques et du thé aux herbes à des anxieux ?

On croise aussi d’autres rejetons de la famille « marché » (ou « market ») : on a le « merchandising », auquel on est censé préférer « marchandisage », pratique à mi-chemin de la publicité et du racolage : comment stimuler le réflexe d’achat, à partir de la façon dont les produits sont proposés. Quel magasin, quel emballage, quelle présentation ? Nous voici plongés dans la stratégie de la tête de gondole, la tactique des couches-culottes au fond du magasin (les jeunes parents étant considérés comme de gros acheteurs, sensibles à la suggestion, on va leur faire traverser toute la grande surface pour qu’ils achètent les indispensables couches, et que défilent sous leurs yeux avides toutes les tentations du magasin), des chewing-gum devant la caisse, des friandises à hauteur des enfants…