TIRER LES ROIS
Par: (pas credité)
C’est le 6 janvier 2001 qu’on les tire, jour de l’Epiphanie. Rituel chrétien qui commémore la légende des Rois mages, venus faire des présents à Jésus. Mais, le rituel est familial, lié au repas et à la galette. Un peu d’explication est nécessaire : dans la galette qu’on mange traditionnellement ce jour-là, on a caché une fève. On coupe la galette en parts ; le plus jeune va sous la table, dit à qui ira cette part, celle-ci, celle-là encore. La fève échoit donc par hasard à quelqu’un qu’on couronne roi, avec une couronne de carton. En toute logique, on devrait donc dire qu’ « on tire le roi ». Or, « on tire les rois ». Croisement de cette pratique avec la légende des trois rois ci-dessus rapportée. L’expression est à cheval sur deux imageries, pleine de charme et d’illogisme.
Une chose est sûre : il s’agit d’un tirage. C’est d’ailleurs le nom qu’on emploie pour toutes ces cérémonies auxquelles le sort préside : tirage du loto, de la loterie nationale, de la tombola de la fête votive de Saint-Cucufa… Et « tirer » est le verbe qu’on emploie quand il s’agit d’un processus de désignation par le sort : on tire « au sort », c’est-à-dire au hasard, le sort évoquant à la fois un hasard « pur » et un destin, une volonté divine ou mystérieuse.
C’est depuis le XVIème siècle qu’on utilise ce verbe dans ce sens, avec en particulier l’expression « tirer un numéro ». Et dans des circonstances très diverses, on pouvait prendre au hasard, sans regarder, dans une boîte ou un chapeau… De là, la locution « tirer un bon numéro », ou un mauvais numéro, qui renvoie à la conscription : on décidait par la voie du sort qui ferait son service militaire. (On voit ça au XVIIIème déjà, dans Jacques le Fataliste.) Et les riches pouvaient « se payer un homme », et envoyer à leur place un genre de mercenaire.
Le verbe « tirer » est donc tout à fait concret. Tirer une carte, par exemple, c’est bien la retirer du paquet. Mais, il l’est moins dans les locutions « tirer à pile ou face » (jadis, à croix ou pile…) : on attendrait plutôt lancer à pile ou face… Et « tirer les cartes » a un sens un peu différent, en tout cas plus large. C’est faire de la divination à partir des cartes. Et on dit également « se faire tirer les cartes ».
De même, on dit « tirer à la courte paille » (pour savoir qui sera mangé…) et bien sûr, « tirer les rois ».
Chez les enfants, on fait la plouf. Aura-t-on le temps d’en parler ? C’est ce qu’on verra…