HARCELEMENT

Par: (pas credité)


Harcèlement moral ! Voilà de quoi on nous parle, à propos d’une femme de ménage sur laquelle son employeur fait pression. Et l’affaire est portée au tribunal. Ce qui montre bien que ce mot, même s’il n’a pas de définition très précise d’un point de vue techniquement juridique, est très présent dans le vocabulaire actuel des droits et des devoirs de chacun.

Revenons à l’origine : harcèlement et harceler viennent tous les deux, lointainement, de herse, un instrument aratoire à longues dents (le mot dériverait de hirpus, le loup en langue samnite…) qui servirait, en particulier, à briser les mottes. (On évitera, à ce propos, les jeux de mots graveleux qui établiraient un lien précoce entre ce sens primitif et le harcèlement sexuel tristement célèbre aujourd’hui).

Quel est donc le sens courant de harcèlement, en français ? Le dictionnaire donne provoquer pour excéder. Mais, l’emploi le plus fréquent du mot correspond à un sens légèrement différent : provoquer un désagrément mineur mais répété. On pense à des moustiques qui vous harcèlent, à une guérilla qui harcèle des troupes régulières. Et c’est la réitération qui fait le harcèlement. Non seulement ça, mais aussi l’idée vague que c’est un plus faible qui attaque un plus fort… plus faible mais plus petit, au point qu’il est presque invisible, en tout cas insaisissable. De là l’exaspération.

Le mot s’emploie de nos jours pour désigner des pratiques considérées comme délictueuses : envoi de lettres anonymes, harcèlement téléphonique.
Mais, il est surtout entré dans le vocabulaire jurisprudentiel avec le harcèlement sexuel. Et dans cette expression, le mot a un sens un peu particulier : il ne renvoie pas seulement à des avances répétées qu’un homme fait à une femme (c’est toujours dans ce sens-là que ça se passe), mais en même temps aux pressions exercées par le harceleur en fonction de la position de pouvoir qu’il occupe. Il s’agit donc d’un chantage sur fond d’abus de pouvoir, dans le cadre d’une hiérarchie. Et c’est surtout visible dans le secteur tertiaire (cadres/employées subalternes, plus que contremaître/ouvrières, encore que…)

Est-ce une variante moderne du féodal droit de cuissage ? Cette dernière expression s’est souvent employée par le passé pour désigner crûment une situation extrême de harcèlement sexuel. Mais, elle évoque un rapport plus brutal, moins insidieux, et surtout un état de fait récurrent : un homme exerçant son droit potentiel sur un ensemble de femmes.
Historiquement, le droit de cuissage (qui fut de jambage), recouvre le droit pour un seigneur de passer la nuit de noces avec la femme de l’un de ses serfs, voire d’un de ses vassaux. Le droit pouvait souvent être racheté par le mari, et revenait alors à un genre d’impôt sur le mariage. Mais, on notera que ce droit était senti plus insultant pour le mari cocu que pour la femme, que c’était celui-ci qui pouvait le neutraliser en le monnayant, et que l’indignation qu’a pu susciter ce droit de cuissage reproduisait elle-même une idéologie très machiste.