PLACARD
Par: (pas credité)
« Le placard » : titre d’un film populaire à succès qui traite de façon plus ou moins railleuse des clichés de l’homosexualité.
Mais ce qui nous intéresse, c’est le placard. Un mot qui appartient depuis quelques dizaines d’années, pas plus, à l’argot de l’entreprise et du pouvoir.
Quand on veut se débarrasser de quelqu’un qui est à un poste important. On le remercie… impossible de le renvoyer purement et simplement : il faut lui trouver ce qu’on appelle pudiquement un point de chute – une planque, un poste qui convienne à sa notoriété et à son succès passé. Il aura donc un salaire qui lui assure une honnête aisance, un beau bureau, une secrétaire… mais pas de pouvoir réel, et pas grand chose à faire : un placard, ce qu’on appelait un placard doré, mais ce dernier qualificatif tend à être aujourd’hui sous-entendu. Notre homme, en tout cas, est placardisé – le mot s’entend.
Placard a un autre usage figuré et ironique, auquel le film fait peut-être indirectement allusion. Il y a une vingtaine d’années, on s’est mis à parler de plus en plus ouvertement des « homosexuels qui sortaient du placard », c’est-à-dire qui assumaient socialement leur orientation sexuelle, et qui, sans forcément s’afficher, cessaient de se cacher, d’être des homosexuels clandestins… Comme on disait en anglais (et parfois en franglais), ils faisaient leur outing, et l’image est à peu près la même qu’en français : on sort. Et des autres, on disait qu’ils étaient restés des homosexuels dans le placard.
Après ces sens figurés, voyons les sens littéraux (après un dernier clin d’œil vers l’argot : le placard, ça a été la prison) : placard vient de plaquer, et par extension, apposer un sceau sur un document. Le placard est donc devenu une lettre, un document, puis une affiche, un avis public qu’on pouvait coller sur un mur.
Et bien vite, le placard a surtout désigné une affiche séditieuse et sauvage, anonymement placardée, et qui laissait lire ce qu’il était interdit de dire, voire de penser. On pense à la célèbre affaire des Placards, en 1534. Sur fond de guerre de religions, un libelle huguenot, qui allait jusqu’à attaquer la messe, avait été placardé dans plusieurs villes du Royaume, y compris au château d’Amboise, et jusque sur la porte de la chambre du Roi François Ier qui y résidait – ce qui le décida à mener quelque temps la chasse aux hérétiques.