BROUILLON

Par: (pas credité)


On expose des brouillons de grands écrivains. C’est-à-dire ?
C’est-à-dire des manuscrits ou tapuscrits de travail, un tapuscrit étant dans un jargon d’éditeur et d’écrivain un manuscrit tapé à la machine . Et ces deux mots renvoient simplement à la notion de non édité : il s’agit donc de documents privés. Mais intéressants en ce qu’ils permettent d’entrer dans la genèse de l’œuvre, de voir comment un écrivain a travaillé, quelles sont les étapes de la rédaction : ratures, corrections, repentirs, strates…
Mais le mot brouillon n’appartient pas en propre (passez-moi cette coquetterie) au jargon littéraire ; il est bien plus souvent relié au monde de l’école : les élèves ont un cahier de brouillon, pour travailler, s’exercer, mais pas pour remettre à leur professeur un travail fini. Le brouillon est donc destiné à être recopié, mis au propre. On oppose donc le propre et le brouillon.
Brouillon dérive évidemment de brouiller : idée d’un travail dont l’inscription témoigne d’hésitations d’essais, d’améliorations… donc qui n’est pas net, pas fixé.
Des synonymes ? Oui, mais qui sont moins propres (encore ce jeu de mot stupide !) à l’école, et nous font revenir davantage à la création artistique.
Une esquisse, une ébauche, par exemple. Mais on pense plus à un plan, un projet, les grandes lignes (des linéaments, disait-on), qu’au premier état d’une réalisation.
Ces deux mots semblent appartenir, pour leur sens littéral, au domaine de la peinture ou des arts graphiques.
Etymologiquement, ce n’est pas tout à fait vrai.
L’esquisse vient d’un mot italien qui signifie tache d’encre, tache d’un liquide qui gicle. Au-delà de la symbolique éjaculatoire, l’image nous renvoie à une image d’une création jaillissante et incontrôlée, qui précède la forme que lui donnera le travail. Et on retrouve cette même image lorsqu’on parle d’un premier jet, première rédaction d’un texte.
L’ébauche, elle, vient d’un verbe qui signifie au départ dégrossir, émonder, en parlant d’un tronc dont on veut faire une poutre.
A noter que les deux verbes ébaucher et esquisser signifient aujourd’hui commencer, n’avoir pas finir : ébaucher un geste, esquisser un refus : on comprend l’intention, bien que son expression ne soit pas achevée.