NEGOCIER
Par: (pas credité)
PARLER AU QUOTIDIEN DU 15 MARS 2001
Un mot très à la mode, depuis peut-être une vingtaine d’années. L’activité en elle-même n’a probablement pas connu d’accroissement, mais cette image économico-politique a nourri une image très utilisée dans toutes sortes de contextes. Comme si la « négociation » devenait la relation type entre deux personnes.
Pour quitter une entreprise, seul l’imbécile aujourd’hui démissionne. Celui qui est de son temps « négocie » son départ, c’est-à-dire tâche de partir dans les meilleures conditions possibles : avec une indemnité de départ, en emmenant des clients, en s’assurant de sous-traiter des contrats avec l’entreprise qu’on quitte, etc.
« Négocier », c’est donc discuter ; c’est tout ce temps de l’échange (verbal) qui se passe en propositions, contre-propositions, concessions, exigences, retraits, toute cette escrime verbale dont on essaie de tirer le maximum d’avantages, en tâchant de ne pas être la dupe de l’autre.
On voit donc que le verbe « négocier » s’utilise de façon transitive : « négocier » son départ, son divorce ; « négocier » la libération d’un otage. Et le verbe « négocier » tend aujourd’hui à s’employer là où naguère, on disait discuter – dans le sens de discuter un ordre : on lui dit d’aller se coucher à 9 heures ; il faut toujours qu’il « négocie », qu’il essaie d’obtenir cinq minutes de plus, ou un avantage pour le lendemain…
Le mot « négociation » désigne donc une discussion, un échange de vues entre deux parties qui cherchent un accord au mieux de leur intérêt. Chacun est donc prêt à lâcher du lest, à proposer des solutions dans un face à face qui fait intervenir des intérêts multiples. On parle ainsi des « négociations » de paix (le stade d’après les pourparlers… quand il s’agit de mettre en œuvre une solution que chacun a envie de faire advenir), ou de « négociations » salariales…
Est-ce synonyme de marchandage ? Le marchandage est une « négociation » au niveau 0 : il n’y est question que de prix. Et le mot est la plupart du temps péjoratif : marchander, c’est essayer de faire baisser un prix, mais le substantif s’emploie souvent lorsqu’on considère que cette discussion est indigne, qu’on n’a pas l’élégance de payer sans discuter. On parle aussi de marchandage, (ou plus souvent de discussion) de marchands de tapis. Encore un indice de xénophobie à l’égard de toute un imagerie orientale.
Pour terminer avec la racine « négoce », on signalera que ce mot, peu utilisé aujourd’hui, signifie commerce, que « négociant » est un mot un peu désuet aussi, qui s’emploie plutôt pour désigner un commerçant en gros, qui fait du commerce de longue distance (l’import-export de jadis), et qu’enfin on employait, en général, la préposition « en » pour préciser le type du « négoce » : on dit encore « négociant » en vins.
Et l’étymologie ? Très compliquée, puisque le mot est formé à partir de tout un segment de phrase latine : mihi nec otium est = pour moi ce n’est pas un loisir, un agrément de… c’est-à-dire « il ne m’est pas agréable de », donc cette chose (que je dois faire) est délicate, difficile, c’est un travail, une affaire embrouillée, puis une occupation…