PRESOMPTION

Par: (pas credité)


PARLER AU QUOTIDIEN DU 22 MARS 2001

Une affaire d’emplois « présumés » fictifs vient devant le Tribunal Correctionnel de Lyon (21 mars), où comparaissent l’ancien maire de Pont Saint-Esprit ainsi que 11 autres prévenus. Emplois « présumés » fictifs : c’est ainsi que s’exprime, par exemple, la presse puisque le jugement n’est pas rendu, et donc qu’il n’est en rien avéré que ces emplois sont fictifs.

C’est que, depuis la réforme de la procédure pénale, la « présomption d’innocence » a repris du poil de la bête. D’abord, dans les formulations – qui ne sont pas les seuls changements, bien sûr, mais ne négligeons pas le poids du symbolique : les changements de terme sont importants : aujourd’hui, on n’inculpe plus, on met en examen. Car le verbe « inculper », construit sur culpa, porte en lui le signe de la faute, et le stigmate qui l’accompagne.

Qu’est-ce que la « présomption d’innocence » ? Le fait de faire ce crédit à quelqu’un sur qui pèsent des soupçons qu’il est innocent, jusqu’à ce que le jugement soit rendu..

Ça part d’un bon sentiment, mais ça n’échappe pas totalement à l’ambiguïté : qui est « présumé » innocent ? Pas tout le monde : l’expression ne s’emploiera qu’à propos de personnes soupçonnées. Et ça peut occasionner des phrases comme celles-ci : « S’il s’avère que Monsieur X a réellement perçu des salaires durant le temps qu’il percevait une allocation-chômage, il pourrait alors être « présumé » innocent d’escroquerie aux ASSEDIC… Plaisanterie ou hypocrisie ?

Un mot sur le verbe « présumer », qui vient de praesumere, penser à l’avance. Le mot s’emploie indépendamment du lexique juridique : « présumer » c’est supposer, imaginer. (Dr Livingstone ?).

L’adjectif « présomptif » s’emploie également dans le langage du droit : « héritier présomptif », c’est-à-dire vraisemblable, supposable aujourd’hui (si rien ne change dans l’avenir).

Mais « présomptueux » a, lui, un autre sens. Est-ce celui qui « présume » de ses forces qui est « présomptueux » ? Le mot signifie d’abord hardi, puis orgueilleux, qui a une haute idée de lui-même. Il s’emploie d’ailleurs souvent à la négative, dans des formules de modestie ou de fausse modestie : « il serait présomptueux de ma part de penser que je vais vous apprendre quelque chose, mais… »