PEAU DE CHAGRIN
Par: (pas credité)
PARLER AU QUOTIDIEN DU 15 MAI 2001
Des économies, du temps libre, qui réduisent comme une peau de chagrin… Ça vous chagrine… On pense spontanément que cette expression, qu’on emploie toujours dans le cas d’un rétrécissement qu’on déplore, est liée au chagrin. Et en fait, c’est une pure homonymie de hasard. Le chagrin – la peine – est un mot qui vient du vieux verbe « grigner », grincer des dents..
Et la peau de chagrin vient d’un ancien mot turc, çagri, qui désigne la croupe d’un quadrupède (âne, cheval ou mulet) dont on tannait la peau pour l’utiliser en maroquinerie.
Si cette peau rétrécit, c’est une référence littéraire, et le titre d’un roman de Balzac.
Raphaël de Valentin, vrai héros romantique, jeune, beau, ruiné, perd ses dernières pièces dans une maison de jeu. Il se décide pour le suicide et erre à travers son beau Paris avant de faire le grand saut. Il entre chez un vieil antiquaire qui se dit millionnaire et avoue 102 ans. Le bonhomme lui donne une peau de chagrin qui en fait est un talisman, un objet magique.
A l’aide de cette peau, Raphaël pourra formuler tous ses désirs : ils seront exaucés. Et quand la peau sera réduite à néant, Raphaël mourra.
Grâce à cette figure méphistophélique, Raphaël peut choisir entre deux types d’existence : une vie longue, mais a minima, avec une immobilité de désirs : ne rien souhaiter. Une vie brûlée dans le fracas des réussites et des plaisirs, mais brève : « Vouloir nous brûle ou pouvoir nous détruit ».