ENTARTE

Par: (pas credité)


PARLER AU QUOTIDIEN DU 16 MAI 2001

L'entartage est encore une pratique peu fréquente, mais qui tend à se répandre. On a, en Belgique, un spécialiste qui semble se fixer plus particulièrement sur la personne de Bernard-Henri Lévy. Et au Canada, un de ses émules s'en est pris à Jean Chrétien. Premier ministre honorablement connu, qui se serait fait entarter.

C'est-à-dire ? L'entartage consiste dans le lancer énergique d'une tarte à la crème sur le visage surpris de l'entarté. La construction du mot est donc parfaitement claire, et linguistiquement inattaquable.

Maintenant, pourquoi une tarte à la crème, plutôt qu'une plombière à la vanille, une île flottante ou une bombe glacée ?

Le passé proche de l'entartage nous ramène au temps du cinéma burlesque : les rois de la tarte à la crème sont certainement Laurel et Hardy, précédés dans cette spécialité par les héros du cinéma muet comique : la tarte à la crème est l'arme irrésistible.

Mais l'origine plus lointaine de la pratique de la tarte à la crème nous fait remonter à Molière. On se souvient de l'Ecole des femmes : Arnolphe vuet une femme si peu au fait des usages mondains qu'elle ne doit pas savoir jouer au corbillon, ce jeu de rimes qui consiste à trouver des mots qui riment, et à réciter toute la liste de ceux qui viennent d'être trouvés par l'assemblée des joueurs : "Dans mon corbillon, qu'y met-on ? Un poivron, un cornichon, un bouillon..." Mais ça ne fait pas l'affaire d'Arnolphe :
Et s'il faut qu'avec elle, on joue au corbillon,
Et qu'on vienne à son tour à lui dire "qu'y met-on ?"
Je veux qu'elle réponde "Une tarte à la crème" :
En un mot, qu'elle soit d'une ignorance extrême.
L'affaire peut-être en serait restée là, sans la suite, La Critique de l'Ecole des femmes, et le Marquis qui s'indigne.
- Citation -
Et c'est de cette scène que vient le dernier sens de "tarte à la crème" : argument rebattu, éculé : La dilution des valeurs familiales et de la morale chrétienne, tarte à la crème de la droite réactionnaire...