ENTRISME, NOYAUTAGE, INFILTRER

Par: (pas credité)


PARLER AU QUOTIDIEN DU 5 JUILLET 2001

Le passé trotskiste du Premier ministre a fait réentendre des mots qui évoquent les années du gauchisme post soixante-huitard : entrisme, par exemple. Pourquoi, encore à l’OCI (organisation communiste internationale), s’inscrivait-il au PS ? Etait-ce pour faire de l’entrisme ?
Mais qu’est-ce donc que cet entrisme ?

Le mot a une formation transparente : l’entrisme, c’est le fait d’entrer, la volonté d’entrer. Mais d’entrer où ? Dans une organisation politique ou syndicale avec laquelle on n’est pas en parfait accord. Encore faut-il n’être pas en complet désaccord avec les buts ultimes de cette organisation… même si les divergences sont profondes… et les haines parfois féroces. Quoiqu’il en soit, on adhère à une organisation, et une fois qu’on en fait partie, on essaie de faire prévaloir ses vues. On a donc également parlé d’entrisme de masse (c’était utopique…) en espérant agir par contrepoids sur le fonctionnement démocratique d’un parti ou d’un syndicat. Mais, il y a dans l’entrisme un côté plutôt honnête, et même parfois balourd : on joue le jeu…

Le sens du mot « noyautage » est quelque peu différent. Le noyau désigne un petit groupe de personnes qui se constitue au sein d’une organisation, ou au sein d’une instance directrice de cette organisation. Et ce petit groupe essaiera de constituer un groupe influent. Noyauter une organisation signifie donc tenter d’en prendre le contrôle, de façon détournée, presque occulte. Le noyautage, c’est donc la prise de contrôle.

Et infiltrer une organisation, alors ? C’est différent encore, et bien plus subreptice. Infiltrer est un usage particulier du verbe.
Au sens propre, on l’utilise à la forme pronominale : l’eau s’infiltre à travers les joints du carrelage, s’ils ne sont pas parfaitement hermétiques. Infiltrer a donc voulu dire pénétrer sans se faire remarquer, insensiblement. Donc, on infiltre une organisation lorsqu’on feint d’adhérer à ses buts et à sa manière de fonctionner. Mais une fois dans la place, on observe, et on espionne. On peut donc infiltrer une organisation politique, mais aussi un gouvernement, un ministère, pour tout raconter ensuite. Et le mot s’utilise souvent dans le cas où c’est la police qui tente de se renseigner, et place ses hommes, incognito, dans telle ou telle organisation, ou dans telle ou telle mouvance, ou même bande de malfaiteurs. En prison, dans les milieux de la pègre, infiltrer est une pratique assez courante. A signaler qu’on n’emploie pas le substantif infiltration, dans ce sens-là.