CONTREBANDIERS Par Yvan Amar

Par: (pas credité)


PARLER AU QUOTIDIEN DU 27 JUILLET 2001


La contrebande est-elle plus difficile en Europe, maintenant qu’on y vit dans cet espace dénommé Schengen ? Disons qu’elle change de forme, et parfois de nature. Mais interrogeons-nous d’abord sur le sens du mot: il s’agit de faire passer une frontière illégalement à des marchandises. Soit elles sont prohibées, soit elles n’ont pas le droit de traverser cette frontière, soit simplement, on évite de les déclarer, et de payer les taxes. Dans tous les cas, on a pris ses distances avec la loi.

Et faire de la contrebande, c’est mot à mot agir contre le ban. Le mot vient de l’italien (contrabbanda), mais pour comprendre son évolution, il faut remonter à ce très vieux mot germanique, ban, dont le premier sens est défense, interdiction, et par extension loi, règle. Le mot contrebande est donc assez ancien (16ème), a désigné cette pratique illicite, puis les marchandises qu’on faisait passer en contrebande (Cf. Rimbaud : C’est de la contrebande…) Mais les contrebandiers appartiennent au passé ou à la légende: chemins de muletier, nuits sans lune, ballots sur l’épaule, c’est tout un roman qui rend toujours le contrebandier sympathique et le douanier obtus.
Les images et les mots d’aujourd’hui sont bien différents.

Si l’on considère que c’est accroc à la loi est occasionnel, qu’en tout cas, on n’en fait pas une profession, on parlera de fraude. L’appareil de photo qu’on ramène des Etats-Unis, le singe du Maroc, la statuette du Cambodge, en cachant ça dans un coin de sac à dos, sont passés en fraude. C’est interdit et la pratique est délictueuse, certes. Mais c’est ponctuel, ce n’est pas un mode de vie. Et d’ailleurs il est rare qu’on appelle celui qui s’en rend coupable un fraudeur (un fraudeur fraude le fisc avec sa déclaration d’impôts, ou la RATP en passant sous le portillon).

Il en va bien différemment du trafic et du trafiquant. Le trafic se fait à une autre échelle, et dans un but commercial, pour revendre et non pour se faire plaisir à soi. Et il sous-entend bien sûr une préméditation et une organisation qui outrepassent largement les frissons individuels de la fraude.