GARE !

Par: (pas credité)


PARLER AU QUOTIDIEN DU 9 AOUT 2001


En ces temps de vacances, on pense aux trains plus qu’à l’accoutumée. Aux trains et aux gares. Mais « gare » est un drôle de mot. Et même parfois une interjection au sens bien particulier. « Gare ! » l’expression mot constitue une exclamation de mise en garde : « gare ! » veut dire « attention, prenez garde ». L’ambiguïté du terme tient à ce que, d’abord plein de sollicitude et de commisération, il tourne bien vite à la menace : « gare à vous » est plus souvent agressif que prévenant. Mais, ce basculement tient plus au sens qu’au mot lui-même : on est en face de la même dualité avec des expressions toute différentes, mais de sens voisin : « prends garde, fais attention », ou même le familier « fais gaffe ».

Mais cette équivoque se double d’une autre : la mise en garde peut signaler le danger à éviter : gare au verglas, au brouillard, au gorille. Ou au contraire, elle peut pointer ceux qui se mettent en danger : cette nuit, il y aura du brouillard ; gare aux imprudents. Les excès de vitesse seront sévèrement sanctionnés ; gare aux contrevenants.

Du point de vue de la construction, « gare » se construit essentiellement aujourd’hui avec la préposition à : « gare à tes fesses ! » Cette préposition a toujours été obligatoire lorsque suivait un pronom personnel : « gare à toi ! » Mais autrement, un usage plus ancien privilégiait une construction directe : « gare la tempête ! »

Certaines expressions nous sont d’ailleurs restées d’usage ancien : sans crier gare, qui veut dire sans prévenir, inopinément, sans qu’on s’attende : « il est arrivé sans crier gare ». Jadis, on disait sans dire gare, avec le même sens. Ce qui nous incline à penser que gare était réellement une interjection courante pour mettre quelqu’un en garde contre un danger. Ainsi dans la marine :gare dessous, lorsqu’un matelot perché dans quelque misaine, laissait tomber un cordage. Il convenait de se pousser pour ne pas se laisser esbigner. Le mot avait, de toute façon, un vieux passé nautique, puisque garer signifie au début du XVème, amarrer un navire, puis le mettre à l’abri, d’où le sens actuel de se ranger pour laisser passer.