PLASTIQUE

Par: (pas credité)


PARLER AU QUOTIDIEN DU 14 NOVEMBRE 2001

Connaissez-vous Gunther von Hagens ? C’est l’inventeur de la plastination – procédé révolutionnaire, mis au point voici bientôt trente ans, et qui permet de conserver le corps humain au-delà de la mort.

Attention, il ne s’agit pas de plastifier un corps : ce serait, comme on peut le faire pour un document, un permis de conduire par exemple, le recouvrir d’une fine pellicule de matière plastique pour éviter qu’il ne s’abîme, lors des manipulations inévitables dont il est l’objet. Mais plastifier un corps…fi ! Il n’y a guère que les préservatifs dont on peut dire qu’ils plastifient un corps – et encore, partiellement. Et très honnêtement, aussi utiles qu’ils soient, ils ne le préservent pas de l’usure du temps. Il s’agirait donc de plastiner (je le confesse, je n’ai pas encore vu le mot), de réaliser des plastinats – et ce mot, je l’ai vu, de mes yeux vu, ne serait-ce que dans le Monde du week-end dernier, dans un article de Pierre Barthélémy.

Gunther von Hagens plastinise donc des cadavres. Selon un processus compliqué, il les vide de leur eau et de leur graisse, et remplace celles-ci par du silicone. C’est-à-dire une matière plastique – d’où probablement le nom de plastination.

Mais la plastination alimente également un art : faire prendre des poses, puis exhiber des corps ainsi conservés, le cas échéant découpés en minces lamelles… Von Hagens est donc plus qu’un anatomiste : un artiste plasticien. Les arts plastiques sont donc ceux qui créent des formes : sculpture, statuaire et tous leurs dérivés modernes. La plastique est donc un mot qui signifie la forme d’un corps : relativement peu employé, et souvent de façon ampoulée et ironique : la plastique de Marylin Monroe.

En revanche, la carrière du plastique est fulgurante depuis sa naissance à la fin du XIXème siècle : on appelle plastique, une matière capable de prendre la forme qu’on lui donne, puis, éventuellement de la garder en durcissant. Et le mot s’est spécialisé pour des matières de synthèse, excluant du même coup l’argile ou la cire. Après la Deuxième guerre, l’usage des matières plastiques s’est considérablement développé, et le mot plastique n’a pas toujours eu une très bonne image : le plastique était un matériau fragile, de mauvaise qualité, et surtout considéré comme très peu noble. On disait même de façon méprisante, c’est du plastoc. Et la rime avec toc en disait long sur le dédain qui accompagnait le mot. Aujourd’hui, depuis la multiplication des matériaux de synthèse, des fibres et des résines, le mot plastique est un peu moins courant, moins péjoratif, mais moins symbole de modernité.