GROTTE

Par: (pas credité)


PARLER AU QUOTIDIEN DU 30 NOVEMBRE 2001


La guerre des grottes, titrait Libération. Ben Laden se cache-t-il vraiment dans une grotte, ou tout ça n’est-il que mise en scène, théâtre et grand guignol ? Peu importe (pour nous, dans cette émission), ce qui nous intéresse davantage, c’est le mot grotte.

Le mot désigne une cavité naturelle, creusée dans le roc, et restée plus ou moins brute. Il ne s’agit donc pas d’habitation troglodyte, c’est à dire creusée exprès dans le roc…
Mais, nous avons un synonyme de grotte : c’est caverne. Alors quelle différence ? Pratiquement uniquement des différences d’usage. Une grotte et une caverne c’est à peu près la même chose, mais les mots n’apparaissent pas dans les mêmes expressions.

En ce qui concerne la préhistoire, on parle des hommes des cavernes. L’expression évidemment n’est pas bien scientifique : c’est du parler familier. Mais on peut noter qu’on ne parle pas d’ « hommes des grottes » pour désigner nos ancêtres qui, croit-on, vivaient dans ces cavernes à moins qu’ils n’y vinssent juste se recueillir, prier et dessiner des bisons. Ce qui est vraiment étonnant, c’est qu’on parle d’hommes des cavernes mais de la grotte de Lascaux. Pas de la caverne de Lascaux. Y a-t-il une raison ? Peut-être que la caverne est imaginée comme lieu plus petit, rapidement cul-de-sac. Mais la caverne d’Ali-Baba n’est pas si minuscule, et pourtant, le mot traditionnellement n’est pas traduit par grotte. Et l'expression passe même dans la langue figurée : Ici, c’est une véritable caverne d’Ali-Baba. (Méfions-nous de ne pas confondre avec la caserne).

Poursuivons donc la vie de la grotte.
Le mot vient de kruptos en grec – la crypte.
Durant la période Renaissance, le mot ne désignait pas seulement une anfractuosité naturelle, mais un décor de parc ou de théâtre : une imitation du naturel qu’on souhaitait avoir et domestiquer : un naturel un peu faunesque, mais pas trop, malgré tout bien maîtrisé. C’est ainsi que se comprend l’adjectif grotesque, avec un seul « t », qui renvoie à ce genre d’esthétique baroque … C’était donc d’abord la façon dont on désignait une peinture murale, aux sujets souvent caricaturaux : peinture licencieuse ou caricaturale, donc… Le mot a eu un sens littéraire au XIXème siècle, Hugo opposant, on s’en souvient, le grotesque au sublime. Le grotesque est l’une des facettes de l’imaginaire romantique, et revendique un genre de truculence de faune. Mais aujourd’hui, grotesque a un sens bien différent et très péjoratif : l’adjectif signifie grandement ridicule, déplacé, incongru, et son emploi témoigne d’un certain mépris : le grotesque manque de dignité…