AMEN

Par: Yvan Amar et Evelyne Lattanzio

Polémique autour d’Amen, film de Constantin Costa-Gavras, à deux semaines de sa sortie en France, après qu’il a été présenté au festival de Berlin.
Mot unique… Bon titre… Car le mot est souvent utilisé comme une phrase… Comme écho, comme réponse, comme signe qui indique qu’on est d’accord… Même si cet accord est simulé, imposé, ou ironique…
Le mot est d’origine religieuse et toujours perçu comme tel, même lorsqu’il est employé dans le langage tout à fait profane.
Amen est le mot par lequel se terminent presque toutes les prières catholiques. Il appartient donc à un code traditionnel et liturgique qui signifie la fin de la prière, le fait qu’elle est été bien énoncée, comme une clé qui a posteriori, lui donne son sens et son orbe. Pour ainsi dire, le mot divinise les phrases qui l’ont précédé.
Linguistiquement, on peut noter cette bizarrerie : Amen suit un texte en latin, alors que le mot lui-même n’est pas latin. Il est emprunté au grec, qui lui même tient le mot de l’hébreu. Et Amen signifie au départ « vrai, certain »… Et dans un vocabulaire qui sent encore l’encens, on le traduit en français par « ainsi soit-il… »
Mais comme un certain nombre de mots du lexique religieux, il passe en français laïque avec un sens ironique et un emploi familier : dire amen, c’est approuver, dire oui, et bien souvent dire oui avec une certaine cautèle.
Il peut donc souligner une approbation : « Je lui ai dit que je voulais un bureau pour moi, un ordinateur et une secrétaire… Il a dit Amen » C’est à dire, il a accepté, il a entériné.
Mais c’est souvent utilisé pour souligner que quelqu’un ne s’oppose pas à un autre, n’a pas le front, le culot, le courage de dire non. Signe de faiblesse ?… « Il rackette ses camarades et l’administration dit amen… » De temps en temps, c’est presque synonyme de « fermer les yeux », faire semblant de ne pas remarquer quelque chose de condamnable, mais qu’on n’ose pas condamner…
Et puis le mot a eu des usages quasiment perdus aujourd’hui : L’expression de pater à amen, qui signifiait du tout début jusqu’à l’extrême fin, de a à z… Jusqu’à amen : jusqu’au bout, jusqu’au dernier mot.
Enfin un amen a désigné jadis un crétin, celui qui ne sait dire qu’amen…