MOBILISATION

Par: Yvan Amar et Evelyne Lattanzio

C’est le mot qu’on a le plus entendu, à propos de la grande manifestation du 1er mai. Drôle de mot, si l’on pense à son étymologie, car le rapport du sens d’origine et du sens actuel est très lointain. Se mobiliser, c’est en fait se sentir concerné par un problème, et se disposer à faire ce qu’il faut pour le résoudre. C’est rassembler ses forces, se concentrer sur une action ou une série d’actions. Ainsi parle-t-on de mobilisation politique, lorsque des militants ou simplement des citoyens se retrouvent autour d’une nécessité, d’un combat, d’une action… Etre mobilisé, c’est d’ailleurs souvent être remonté : l’idée de combativité, l’idée de contrer quelque chose sont très présentes.

Le terme se comprend à partir d’un sens plus ancien qui est militaire : la mobilisation est le rassemblement des troupes, le rappel sous les drapeaux de tous ceux qui sont susceptibles de se battre. Ainsi, à l’aube des guerres, assiste-t-on à des mobilisations générales. Et à la fin des guerres, à des démobilisations… lorsqu’on rend les soldats à la vie civile.

Démobiliser a également une signification bien plus vague, qui est le symétrique du premier sens de mobilisation qu’on a évoqué : être démobilisé, c’est manquer de motivation, ne pas trop savoir quoi faire, n’avoir envie de rien faire par rapport à tel ou tel sujet… Ça s’emploie donc dans un contexte politique, mais pas seulement : les gens sont très démobilisés par rapport à la lutte contre telle ou telle maladie… alors que lorsque l’épidémie faisait rage à leurs portes, ils se sentaient bien plus concernés. On peut noter que, pour ce sens figuré et particulier de mobiliser, le contraire n’est pas du tout immobiliser, mais démobiliser. Le sens s’est tellement éloigné de l’origine qu’on change le préfixe pour désigner le contraire, comme s’il s’agissait d’un autre mot. Et les images liées à l’immobilisme et à la démobilisation sont d’ailleurs très différentes. L’immobilisme évoque une image qui se fige, ne va pas de l’avant, hésite devant les décisions à prendre et même la direction à prendre. Alors que la démobilisation évoque un genre de laisser-aller, comme un « je-m’en-fichisme » qui part dans tous les sens.