TERRAIN

Par: Yvan Amar et Evelyne Lattanzio

Terrain !… Le mot de passe des hommes de pouvoir depuis quelques jours… Ceux qui sont aux affaires se targuent d’être hommes de terrain… C’est-à-dire ? C’est-à-dire qu’ils connaissent, ou disent connaître les réalités politiques, sociales, humaines qui forment la matière de ce qu’ils ont à gérer…

Pour mieux comprendre cette notion, voyons à quoi elle s’oppose : un homme de terrain est le contraire d’un homme de dossier, de cabinet, de ministère. Le terrain est comme l’opposé de la bureaucratie, et même de la politique centralisée. Et cette idée de terrain implique l’image du concret : l’homme de terrain parle aux gens et sait trouver des solutions concrètes, à court terme, réalistes aux problèmes qui se posent.

D’ailleurs, le terrain évoque l’image de la terre, bien évidemment : d’un côté ce qui n’est pas raffiné, ce qui est « brut », et de l’autre, ce qui est « en bas ». Cette symbolique est importante : l’homme de terrain, on se le représente comme celui qui a fait ses premières armes dans une France du travail, et même s’il s’est élevé dans les sphères du pouvoir, il en a gardé l’expérience et le souvenir. C’est donc le contraire du parachuté, de celui qui vient d’en haut, avec des idées toute faites, et des théories qui n’ont pas fait l’épreuve de la réalité.

Souvenons-nous aussi que ce mot de terrain est présent, dans bien d’autres expressions. Militaires, par exemple : céder du terrain, reprendre ou gagner du terrain. Le terrain est là le champ de bataille et, par extension, le lieu de la compétition. On passe insensiblement et très logiquement de la guerre au sport. Et notamment, au sport hippique : le terrain est lourd, sec, léger, détrempé… Tout cela avantagera celui-ci pour pénaliser celui-là… Et on s’explique ainsi l’expression « tâter le terrain ». C’est ce que fait le cheval, du bout de son sabot, pour voir sur quel sol il va courir. Mais la tournure a acquis un tout autre sens, et fait référence à une avancée prudente de quelqu’un qui ne sait pas encore à qui il a affaire ; alors, tout doucement, il va reconnaître (le terrain…), et évaluer comment réagit à tel mot, telle idée, telle proposition, son interlocuteur, pour régler ensuite sa conduite et son langage en fonction de ce qu’il aura appris.