SQUELETTE

Par: Yvan Amar et Evelyne Lattanzio

C’est Valéry Giscard d’Estaing qui a parlé tout récemment de squelette, à propos du projet de constitution européenne dont il vient de dévoiler les grandes lignes. Cette constitution supra-nationale n’est pas encore écrite de A à Z, encore moins adoptée par tous les Etats qu’elle concerne, mais enfin un pas est fait : on a cette première proposition de VGE.. Que propose-t-il ? Un squelette, une ossature, une structure, une charpente, les mots sont nombreux pour exprimer cette image : celle d’une base, d’une forme générale à laquelle viendront d’ajouter « la chair », c’est à dire tout les détails concrets qui formeront la matière même de cette constitution. On comprend comment fonctionne l’image : le squelette, l’ossature (l’image est semblable), la charpente sont formés d’éléments durs, solides, qui tiendront le reste, et en formeront pour ainsi dire le noyau. Une fois l’objet terminé, le squelette est bien sûr invisible, noyé dans la masse. Mais il est encore là, opérant, même s’il échappe aux yeux. Et lorsqu’on parle d’un édifice intellectuel, on parle bien souvent de plan, tout simplement : le plan d’un ouvrage, d’un exposé.
« Un dictionnaire sans exemples est un squelette. » déclarait Pierre Larousse à qui voulait l’entendre. Et cette phrase est devenue l’une des slogans de la publication. Ce qui prouve bien que le squelette n’est séduisant que pour son créateur, mais rébarbatif pour l’usager qui est à l’autre bout de la chaîne.
Au sens propre, le squelette, c’est évidemment l’ensemble des os joints les uns aux autres. Alors que si l’on parle d’ossements, on a dans l’esprit, ou devant les yeux des os empilés, juxtaposés, rangés peut-être, mais qui ne rappellent en rien la forme du corps. D’autre part, on ne parle d’ossement que post mortem. Ce sont les vestiges, une fois que le pourrissement a fait son œuvre, qui nous reste d’un être jadis vivant. Alors que chacun d’entre nous, bien vivant encore, cache un squelette sous sa chair.
Quant à l’adjectif squelettique, on ne l’emploie qu’au sens figuré, pratiquement. Pour parler de quelqu’un de très maigre (il reprend alors l’image : il n’a que la peau sur les os et encore : on a supprimé la peau). Ou alors pour parler de quelque chose d’incroyablement petit, frugal, peu nombreux, qui devrait inspirer la pitié par le dénuement qu’il présente. Une bourse squelettique, un budget squelettique, ou même une troupe squelettique.