CANNIBALE ET ANTHROPOPHAGE
Par: Yvan Amar et Evelyne Lattanzio
Actualité tragique : on parle de cannibalisme. Encore faut-il savoir ce qu’on entend par là. Le cannibalisme, c’est le fait pour un humain de manger un autre humain.Le mot date des grandes découvertes ; il semble même qu’on doive son importation à Christophe Colomb, qui aurait découvert non seulement le Nouveau Monde, mais aussi le cannibalisme. Enfin, c’est aller un peu vite en besogne : il a peut-être simplement découvert le mot. Et encore, le mot préexistait. Mais il a pu le ramener en Europe. D’où ? De ces îles qu’il avait découvertes, et sur lesquelles il avait découvert des Indiens, dont il ne reste aujourd’hui aucun survivant ? Ces Indiens parlaient Arawak, et ce mot de cannibale était peut-être d’ailleurs celui qui les désignait. Cannibale serait alors de la même famille que Caraïbe, et le mot n’aurait au départ rien de sanguinaire. Mais comme les explorateurs de ces nouvelles contrées imaginaient souvent les pires pratiques de la part de ceux qu’ils découvraient, cannibale a pris le sens de mangeur d’homme et le mot est rentré en Europe, par l’espagnol, qui l’a cédé au latin, qui l’aurait lui-même cédé à l’italien, d’où le français l’aurait tiré. Tout un voyage en somme…
Le mot a eu du succès, a parfois été utilisé dans un sens affaibli, pour dire simplement cruel, sanguinaire, mais ce n’est plus vraiment le cas maintenant. En revanche, il arrive qu’on le voit utilisé comme un adjectif : un festin cannibale, lit-on à propos par exemple du festin de Thieste, qui commença à manger son fils ! Quand ça ? Où ça ? Oh ! C’était il y a bien longtemps, puisqu’il s’agit d’une légende de la mythologie grecque, qui met en scène la fameuse famille des Atrides. Preuve que le cannibalisme n’est pas l’apanage des Arawaks.
On a un autre mot, d’origine bien plus européenne : c’est anthropophage. Il apparaît presque au même moment que cannibale en français, mais existait depuis longtemps en latin et en grec, d’où il est originaire. Lui aussi au connu quelques dérives de sens : on l’a utilisé pour dire exploiteur, et même bourreau durant le Révolution française. Mais aujourd’hui, son sens semble être retourné à son étymologie.