ODYSSEE
Par: Yvan Amar et Evelyne Lattanzio
Conférence - débat à la BNF : l’Odyssée de l’espace. La formule est-elle totalement appropriée ? On attendrait plutôt la conquête de l’espace : cette expression a déjà été utilisée, sur le modèle de la conquête de l’ouest, par exemple : l’exploration puis la connaissance d’espaces neufs. C’est que le recours à ce mot d’odyssée est un clin d’œil à un film de Stanley Kubrick : 2001, Odyssée de l’espace. Et il se trouve que nous sommes en 2001. Et ce titre renvoyait à un sens courant du mot odyssée : voyage long et périlleux à travers des territoires inconnus. Le mot est donc nom commun, mais dérive d’un nom propre et d’un sens précis : l’Odyssée est le récit du voyage d’Ulysse, long et périlleux lui aussi, qui dure dix ans entre la destruction de Troie en flammes et le retour du prince grec dans sa petite île d’Ithaque : heureux qui comme Ulysse… Et pourquoi ce nom d’Odyssée ? Simplement parce que le héros s’appelle en grec Odusseus, et qu’Homère a donné à son épopée le nom d’Odusseïa.Tout est dit alors ? Une remarque quand même : le sens figuré légèrement tordu à son profit la réalité du poème homérique. En effet, les onze mille vers qui le composent sont loin de relater dans leur ensemble les voyages d’Ulysse : les quatre premiers livres nous amènent à Ithaque, nous présentent la fidèle Pénélope et son ouvrage, les prétendants menaçants, Télémaque qui s’enquiert de son père et part à sa recherche. Mais d’Ulysse, point. Le cinquième livre nous met face à face avec le héros, mais à peine quelques semaines avant son retour dans son île : il arrive chez les Phéaciens, entre Nausicaa et Alcinoos, son père. Et ce n’est qu’à la faveur du récit qu’il va leur faire qu’on va apprendre ses péripéties passées : les Lotophages, le Cyclope, Circé, les Simmériens, les Sirènes, Charybde et Scylla, Calypso, et j’en passe… Et tout ça entre les livres 8 et 14, ce qui fait fort peu quand même, par rapport à l’ensemble de l’ouvrage. La fin du poème est consacrée bien sûr au retour, reconnaissances par les siens et élimination des prétendants. Tout ça pour dire que l’Odyssée échappe à la structure habituelle des récit de voyages initiatiques, que la construction de l’œuvre est très complexe, avec multiples retours en arrière, histoires enchâssées et aventures à tiroirs.
Un dernier mot linguistique pour finir : l’énergie qui pousse Ulysse, c’est le mal du pays : il se languit de sa patrie. Et ce mal du pays est ce qu’on appelle en grec la nostalgie, c’est-à-dire la douleur du retour (qui tarde à venir). Ce mot-clé de l’Odyssée a donc en grec un sens assez différent de celui de son calque en français.