CHAUFFARD

Par: Yvan Amar et Evelyne Lattanzio

Un chauffard en justice ! C’est ainsi qu’on présente le procès, qui se déroule aujourd’hui, de celui qui a tué un piéton Avenue de la Grande-Armée à Paris avant de prendre la fuite, le 14 décembre 2001.

Chauffard et non chauffeur ! Et on voit parfaitement que ce changement de suffixe est péjoratif : le chauffard est le mauvais chauffeur, c’est à dire le mauvais conducteur.
Bon exemple donc de ce que cette terminaison en –ard peut avoir en français de négatif. Même si ce n’est pas le suffixe le plus courant, même s’il sonne un peu vieillot, il fonctionne encore.
Il est pourtant rare de voir exactement sur le même modèle, un changement de « eur » en « ard ». On en trouve.
Père fouettard, ce genre d’ogre, de croque mitaine dont on menace les enfants, est formé d’après le verbe fouetter. Mais on peut à le rigueur l’opposer à fouetteur. Enfin ce n’est pas très concluant mais ça nous permet de parler du frère Frappard, bien oublié aujourd’hui, sorte de moine bourru. Et là, le mot frappeur existe bien (souvenons-nous de l’esprit frappeur).

Mais indépendamment de ces couples, on trouve nombre de mots construits avec cette terminaison, et péjoratifs, plus ou moins.
En effet, motard, conducteur de moto, ne l’est pas du tout au départ. Fêtard – celui qui aime faire la fête – ne l’est pas tellement plus. Un peu ironique tout au plus. Quoique souvent il s’emploie au sens de celui qui exprime bruyamment et un peu vulgairement sa joie des agapes, souvent de nuit et dans des lieux publics avec petits chapeaux de rigueur et refrains braillés fort.

Et puis il y a l’ironie de celui qui emploie le terme et veut montrer son désaccord : Le patriotard est un patriote excessif, dont on veut dénoncer l’excès. Le soixante-huitard, qui succède d’ailleurs au quarante-huitard est celui dont on se moque parce que longtemps après que la mode en est passée, il s’affuble encore des oripeaux des événements de 1968. Le ramenard est le frimeur, celui « qui la ramène ». Le cornard – et là, c’est plus vieux mais aussi plus méchant et plus populaire est le cocu, celui à qui on a fait porter les cornes. Et bien sûr ce dernier mot en évoque un autre, encore plus vulgaire, mais qui n’a rien de vieilli, et que la peur du scandale me retient de prononcer ici.